Dans les premiers mois de 1917, Nivelle réussit à
convaincre les Anglais d’une large offensive en France « à condition
de la faire par surprise ». Cette offensive prévue entre Soissons et
Reims serait liée à l’offensive britannique entre Bapaume et Vimy.
Sans perdre de temps, Nivelle prépare la grande percée qui devra
décider de la guerre. Le commandement du GAR est confié à Micheler, la 5ème
armée à Mazel, la 6ème à Mangin, la 10ème à Duchêne.
Pourtant, Lyautey, ministre de la guerre, désapprouve le plan et
démissionne le 14 mars. Fin février, les Allemands reculent entre Arras et
Soissons, quittent le saillant de Noyon pour se replier sur la ligne
Hindenburg en laissant des monceaux de ruines derrière eux et une région soigneusement
minée. La poche de Noyon n’existe plus, il n’est plus question de
progression rapide dans le secteur de Soissons. Le 15 février, l’ennemi
s’empare du plan d’attaque générale sur un officier tué.
Les Anglais veulent abandonner le projet, mais Nivelle ne renonce
pas, l’attaque est limitée à 70 kilomètres entre Soissons et Reims, la
poussée principale sur le Chemin des Dames, pourtant le point le plus
fortifié par les Allemands.
Pétain, Franchet d’Espérey, Micheler et Castelnau sont sceptiques
quant au succès de l’opération. Nivelle offre sa démission que Poincaré
refuse, l’offensive aura lieu.
D’après lui, « l’artillerie pulvérisera les défenses
allemandes, les troupes françaises franchiront la colline et prendront leur
petit déjeuner le lendemain à Laon ».
Le 9 avril, l’offensive britannique en Artois permet de reprendre la
crête de Vimy et de progresser de 8 kilomètres.
Le 16 avril, après un déluge d’obus de 6 jours, les Français
attendent dans la pluie glacée face aux falaises transformées en camps
retranchés par les Allemands, « creutes » truffées de
mitrailleuses et d’artillerie, servant d’abris et de dépôts aux
Allemands : la Caverne du Dragon possède 7 issues toutes armées de
mitrailleuses et d’artillerie, permettant à l’ennemi d’emprunter ses
galeries pour traverser le plateau ; un puits d’eau potable alimentant
6000 hommes logeant dans des dortoirs, ainsi qu’un hôpital.
Sur le plateau, chaque ferme est une forteresse, chaque bosquet et
chaque casemate de premières lignes cachent des mitrailleuses. C’est le
rempart que les Français doivent franchir.
A 6 heures du matin, Mazel lance son attaque sur Muteau, Boissoudy,
Mondésir. Arrêtée par le feu des mitrailleuses allemandes, l’attaque
n’apportera rien de décisif. A Berry au Bac, 3 divisions sont détruites
ainsi que les chars engagés pour la 1ère fois.
Sur le Chemin des Dames, Mangin se lance à l’assaut. Le 2ème
colonial est décimé, la 10ème division détruite et la 15ème
stoppée. Le 20ème CA est
partiellement arrêté, le 6ème s’empare du Bois de Bovette, le 1er
CAC a des pertes sévères, l’ennemi a résisté partout.
Le 16 avril au soir, la percée escomptée n’est pas réalisée mais
Nivelle persévère. La bataille continue du 16 au 30 avril avec quelques
succès ponctuels : les Sénégalais s’emparent de Chavonne, des
Grisons ; les chasseurs prennent le Mont Sapin, le Bois des Gouttes
d’or et se hissent sur le plateau d’Ostel ; faisant gagner quelques
centaines de mètres.
Les pertes sont terrifiantes (147
000 hommes tombés dont 40 000 morts). Des noms demeurent dans les
mémoires : Moulin de Laffaux, Craonne, Hurtebise…Les soldats se
sentent victimes d’une scandaleuse boucherie pour satisfaire l’appétit de
gloire d’un général qui les a sacrifiés. Ils iront jusqu’à la rébellion.
Nivelle est limogé le 15 mai et remplacé par Pétain qui doit
reprendre l’armée en mains et mettre fin aux mutineries, qui en juin, ont
gagné les deux tiers des divisions françaises. Trois mille cinq cents
condamnations sont prononcées en Conseil de guerre, 544 à la peine
capitale, mais on ne procède qu’à une quarantaine d’exécutions ; la
répression se veut exemplaire mais limitée. Pétain se préoccupe des
conditions d’hygiène et de nourriture des soldats, augmente les permissions
et suspend toutes les offensives, décidant d’attendre « les
canons, les tanks et les Américains ».
En octobre, Pétain prépare une opération précédée par l’envoi de 2
millions d’obus sur 12 kilomètres de lignes allemandes. Le 25 octobre, le
Chemin des Dames est reconquis (35 000 hommes hors de combat chez les
Allemands, 2241 tués chez les Français).
L’effet psychologique est considérable et
le secteur restera calme jusqu’à l’offensive allemande de 1918.
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