OISE (1918)
Noyon.
L’horizon
militaire s’assombrit. Le 21 mars, 40 divisions allemandes ont crevé le
front britannique, de l’Oise à la Sensée ; elles déferlent, en
direction générale Montdidier, Amiens, Abbeville, menaçant à la fois la
liaison franco-anglaise et les communications maritimes. Déjà les renforts
français accourent pour étayer les armées Gough et Byng, étourdies et
démoralisées.
Les
poilus du 1er, en route vers Pontavert où ils vont relever les
unités de la 2e Division d’Infanterie, guettent, sur le chemin,
les autos qui les jetteront dans la bataille. Elles les rejoignent le 24 à
Baslieux-les-Fismes et les transportent au petit jour à Pont-Saint-Mard et
Guny où le régiment cantonne dans les Creutes. Le 25, il pousse des
reconnaissances sur Couey-le-Château et Folembray ; à minuit, il
s’embarque pour Noyon.
La
menace de l’invasion planait sur la ville ; silencieuse et éplorée, la
population évacuait vers le sud ; les derniers trains quittaient la
gare…
L’armée
Humbert qui couvrait les approches de l’Oise, reculait méthodiquement, sous
la poussée de forces supérieures ; le 1er reçut l’ordre de
protéger le repli de la 5e Division de Cavalerie qui défendait
les abords de Noyon. Il s’installa sur les hauteurs de Saleney, sa gauche
couronnant la crête escarpée du Mont Saint-Siméon, sa droite appuyée au
village de Béhéricourt. Durant une journée et demie, il tint l’ennemi en
respect par l’énergie de son attitude et la précision de son feu. Le 26
mars, à 20 heures, découvert par le retrait des régiments de gauche, il se
replia en bon ordre, combattant à distance et capturant les cavaliers
boches qui s’aventuraient dans ses lignes. Il passa l’Oise à Pont-l’Evêque
et Sampigny, se rassembla dans le Parc du château de Carlepont et garnit la
rive sud du fleuve, entre Pontoise et Varennes. Les allemands n’en
tentèrent pas le passage. Entraînés vers Montdidier sur les talons des
anglais, ils limitèrent les prises de contact à de faibles combats de
patrouilles.
Le
calme persista jusqu’aux premiers jours d’avril. Alors, gonflée par les
pluies de printemps, l’Oise déborda largement sur ses rives, jetant, sur la
clarté riante des paysages du Valois, la terne humidité des Flandres. Les
poilus connurent à nouveau le calvaire des corvées nocturnes par les
chemins submergés, les veilles transies dans les tranchées ennoyées, les
gardes aux avant-postes, dans des tonneaux plantés sur la berge. Epuisés
physiquement et guettés par la maladie, ils eurent encore à s’opposer aux
entreprises de l’ennemi. Après un premier échec à l’est de Varennes contre
la compagnie Mahieux, les allemands forcèrent, le 23 avril, sur le front du
3e bataillon, le passage du fleuve. Prélude d’artillerie,
traversée sur des radeaux, irruption dans nos lignes, l’attaque comportait
un grand déploiement de forces et nous causa quelques pertes, sans entamer
nos positions. Le 1er riposta au début de mai, en organisant
deux coups de main sur les tranchées allemandes devant Pontoise. Ils
échouèrent, entravés par le lancement défectueux des barques en toile qui
retarda l’exécution et donna l’éveil aux ennemis.
Le
9 mai, le régiment se porta vers le sud-ouest, à Saint-Léger et Ollencourt.
Il y passa quinze jours, partagé entre le repos dans les pittoresques
villages et l’entraînement dans les décors somptueux de la forêt de
l’aigle. C’est là, que le 27 mai, à la tombée de la nuit, les autos, les
autos légendaires de la Marne, de Verdun, de Noyon, vinrent le prendre pour
l’emporter mystérieusement dans la forêt, sur la route de Compiègne.
Quelque drame nouveau se jouait sur le front.
|