Vestiges et Souvenirs de Guerre
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C'est un devoir pour les anciens combattants de veiller
attentivement à la sauvegarde des vestiges et souvenirs de guerre. Plus le temps passe, plus on s'éloigne des jours terribles, et plus ceux qui, pour des raisonsdiverses, tiennent à ce qu'on oublie ces jours, s'efforcent à. en dissimuler les traces.
Le Parlement et le Gouvernement ont compris l'impérieuse
nécessité où ils étaient de faire l'effort nécessaire afin de sauver les souvenirs encore existants de la grande guerre. Un certain nombre d'incidents pénibles avaient prouvé il y a deux ans environ qu'il était grand temps d'aviser. De véritables bandes de pillards exploitaient systématiquement les champs de bataille. Par suite du défaut de surveillance, elles ramassaient les matériaux abandonnés, câbles télégraphiques ou téléphoniques, douilles à obus, tôles ondulées, charpentes, vieux affûts de canons, fils de fer barbelés. Elles en chargeaient des camions automobiles, ramenaient à Paris leur butin et le vendaient à des fondeurs ou à des brocanteurs.
Si les uns volaient, les autres profanaient.
On n'a pas oublié l'odieux spectacle donné par
ces individus qui osèrent
sabler le champagne et danser
au sommet de l'Hartmannswillerkopf.
C'est en 1917 que fut institué, pour la première fois auprès de l’administration
des Beaux-arts, une « Commission des vestiges
et souvenirs de guerre », composée de représentants des ministères de la Guerre, desBeaux-Arts, des Travaux publics et des Régions
libérées pour examiner les
conditions de classement et deconservation des vestiges de
guerre.
Cette commission fit procéder en juin 1917, par deux délégués, à une première
reconnaissance des organisations
situées dans les régions de l'Oise et de la Somme qui venaient d'être évacuées. Les rapports présentés par les délégués à la suite de leurs reconnaissances furent examinés par la Commission qui estima que beaucoup de vestiges ne pouvaient, malgré
leur intérêt au point de vue éducatif
et historique, être conservés.
«
Ce serait en effet, concluait-elle, empêcher
la reconstruction des villages et
des grandes fermes sur leuremplacement
primitif, ce serait priver l'agriculture de vastes terrains fertiles. En outre, l'acquisition de ces villages ou terrains coûterait très cher et l'entretien en état des organisations existantes grèverait lourdement le budget
annuel des monuments historiques, la
plupart de ces organisations étant constituées par des matériaux périssables. »
La commission décida en conséquence de ne
proposer que le classement d'un petit
nombre d'organisationsd'ensemble particulièrement typiques, et, pour les autres, d'en perpétuer le souvenir par une simpledocumentation graphique et photographique aussi complète que possible. L'administration des Beaux-Arts commença aussitôt à réunir cette documentation.
Après la victoire et l'armistice, on fit un effort sérieux pour achever le classement
des souvenirs de guerre et assurer les mesures de protection provisoire.
Des circulaires précises furent
envoyées aux préfets par l'administration
et à la fin de 1921, un projet de loi dont je fus le rapporteur fut voté par la Chambre.
En principe, ce texte applique aux vestiges de guerre les prescriptions de la loi du 31
décembre 1913 sur lesmonuments historiques sous réserve de certaines dispositions complémentaires « en raison de la nature spéciale des souvenirs à conserver. »
La loi de 1913 par exemple n'admettait pas le classement temporaire. Au contraire, l'article
5 du projet de loi voté par la chambre permet le classement
pour une durée limitée, sous
réserve d'une indemnité allouée
au propriétaire, de certains vestiges de lieux de combat, tels qu'entonnoirs de mines, sapes, tranchées, etc., qui se dégradent rapidement depuis qu'ils ne sont plus entretenus. Mieux, on a décidé de classer non seulement les vestiges, mais encore les chemins permettant d'y accéder.
J'ai établi une liste aussi complète que possible des vestiges de guerre à classer et l'ai annexée à mon rapport. Je ne
veux signaler ici que les points
les plus typiques : la butte de Warlemont, le
Labyrinthe (Neuville-Saint-Vaast) dans le Pas-de-Calais, le ravin de Maurepas, le château et le parc de Tilloloy,
le château deThiepval, dans la Somme ; le Plémon et le Plessier de
Roye, dans l'Oise ; la cote 108, près de Berry-au-Bac, lacote 204, près de Château-Thierry, le plateau de Laffaux, Coucy-le-Château, dans l'Aisne ; la région
des Monts de Champagne, dans la Marne ; la
tranchée de Calonne, la butte de Vauquois, la crête des
Eparges, le plateau Sainte-Anne, près de Clermont en Argonne, les forts de Verdun, Cumières et
la côte de l'Oie, le Mort-Homme, le bois d'Ailly, Apremont (village et forêt),
Montfaucon, dans la Meuse ; le Bois-le-Prêtre (Quart en réserve, la Fontaine et la
maison du Père Hilarion), le Xon et le plateau de Vittonville,
le bois de Mort-Mare, le bivouac des Fonds de Vaux, près de Limey,
dans la Meurthe-et-Moselle
; la Montagne et la Roche d'Ormont, l'ouvrage duMont-Pelé (forêt de Senones), dans les Vosges ; l'Hartmannswillerkopf, en Alsace.
Ces vestiges, grâce à la loi nouvelle, seront sauvegardés.. Mais que les combattants
n'oublient jamais que
leur devoir strict est de défendre de toutes leurs forces contre toute atteinte
ces lieux sacrés où tombèrent leurs
frères d'armes.
André FRIBOURG.
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