Version 5.0
|
VESTIGES
1914 1918
|
|
Extrait de
l’historique du 28 BCA
|
2
décembre 1914, la prise de le Tête des Faux
Le 27 novembre
au soir, les 1ere et 5e compagnies ainsi que la section de mitrailleuses
sont détachées du bataillon et forment avec trois compagnies du 30e
bataillon de chasseurs, un détachement qui, sous les ordres du capitaine
REGNAULT, de la 1ere compagnie du 28e doit attaquer la ‘Tête des Faux’.
Ce piton formé,
d’éboulis de rochers, boisé de petits sapins épais et rabougris, de
genévriers et de hautes fougères, constituait un merveilleux observatoire,
au centre d’un immense cirque formé, du nord au sud par le Bressoir, le col des Bagenelles,
le Rossberg, le col du Bonhomme, le col du Louschpach et le calvaire du Lac Blanc.
Le 2 décembre,
à 2 heures du matin, le détachement quitte la vallée de la Meurthe, et, au
milieu d’un brouillard glacial, il gravit, par des sentiers rocailleux, les
pentes des Hautes Chaumes. Au lever du jour, un court répit est accordé
pour casser la croûte, aux environs de la ferme de Reichberg,
puis les colonnes s’enfoncent dans les épaisses forets et arrive au pied de
la Tête des Faux. A 11 heures, quelques coups cde
canon balaient le sommet du piton et le détachement REIGNAULT, cheminant
sous les bois, escaladant les pentes presque inaccessibles, arrive devant
les défenses ennemies. Pour parvenir jusqu’au sommet, il a fallu mettre
souvent le fusil en bandoulière et s’aider des pieds et des mains pour
s’agripper aux énormes éboulis, obstacles presque infranchissables. D’épais
réseaux d’arbre en arbre, forment avec les branches des sapins, un fouillis
inextricable au milieu duquel on se fait jour à la cisaille et à la serpe.
Mais ces obstacles n’arrentent pas l’élan des chasseurs et le sommet de la
Tête des Faux est atteint au prix de fatigues inouies.
Un feu nourri et meurtrier accueille l’apparition des bérets bleus sur la
crête. Embusqué derrière de gros rochers, l’ennemi guette et tire à coup sur. Le capitaine D’ESCODECA qui, pour l’attaque,
remplaçait le capitaine REGNAULT à la tête de la 1ere compagnie, est blessé
à bout portant d’une balle à l’épaule. Le lieutenant de POUYDRAGUIN
commandant la 5e compagnie, est lui aussi grièvement touché. L’adjudant
DESTRIBATS est tué d’une balle en plein front, alors que, sous une
fusillade nourrie et à moins de 100
mètres de l’ennemi, il mettait ses mitrailleuses en batterie. Malgré les
pertes sévères, les chasseurs avancent toujours, se faufilant derrière les
rochers, progressant en rampant dans les futaies La Tête des Faux est
enlevée d’un seul élan. L’ennemi se retire dans des tranchées préparées à
l’avance, à quelques mètres de celles que le détachement REGNAULT vient de
lui enlever. Fidèle à sa tactique, l’Allemand contre-attaque pendant toute
la nuit, et, au matin, les munitions manquent au moment, où, dans un élan
désespéré, l’ennemi sort une fois encore de ses tranchées. On défait
rapidement des bandes de mitrailleuses, on ramasse les cartouches des morts
et les chasseurs, craignant de ne plus avoir de cartouches, ménagent à contre-cœur leurs munitions. L’ennemi lourdement
éprouvé, regagne ses tranchées en rampant, et, pour venger cet échec,
l’artillerie allemande arrose sans répit, avec des obus de gros calibre,
les tranchées que le détachement REGNAULT lui a enlevées.
A la suite de
ce combat, la citation suivante ç l’ordre du C.A. vient récompenser la
bravoure des 1ère, 5e compagnies et de la S.M. du 28e :
Le 2 décembre, sous le commandent du
capitaine REGNAULT, ont chassé l’ennemi à la baïonnette de la Tête des
Faux, après avoir escalé sous le feu, des éboulis d’énormes rochers, et se
sont ensuite maintenus sur ce sommet, malgré toutes les
contre-attaques.
.
|
Extrait de l’historique du 30 BCA
|
2 décembre
1914, la prise de le Tête des Faux
24 décembre,
l’attaque allemande
La Tête du Violu prise, il
reste encore à l'ennemi la Tête des Faux, observatoire précieux pour lui,
fort gênant pour nous.
A 3 ou 4 kilomètres de nos lignes, ses 1 219 mètres dominent et voient
toute la crête frontière, toutes les hautes vallées de la région, les chemins
et les routes qui sont la vie de notre front, tous les trains qui arrivent
à Fraize.
Des éboulis d'énormes blocs de granit, d'épais fourrés de pins rabougris
que le poids des neiges couche et emmène chaque hiver en enchevêtrements
inextricables lui font une ceinture qui semble défier tous les assauts.
Le mois de novembre est très mauvais ; la pluie glacée, les tourmentes de
neige rendent la vie très dure dans les noirs bois de sapins où gîtent les
Chasseurs. De nombreuses mais discrètes reconnaissances sont faites vers le
piton convoité ; il faut étudier son chemin sans mettre l'ennemi en
défiance.
Le 2 décembre, à 2 heures, un détachement formé de deux compagnie du 28ème,
des compagnies MARION (1ère), MANICACCI, TOUCHON, quitte le RUDLIN, chemine
sous bois, arrive à 11 heures au pied de la Tête
des Faux sans avoir donné l'éveil.
Notre artillerie, bien peu nombreuse, s'efforce d'arroser efficacement le
sommet ; la compagnie TOUCHON en avant et à droite marche droit sur le
point culminant, court à travers les fourrés, escalade les gigantesques
éboulis ; arrêtée aux fils de fer, ses clairons sonnent la charge.
Le capitaine TOUCHON, blessé dans le réseau d'une balle à la cuisse, ne
tombe pas ; les chasseurs MAZET et LECOMTE sont tués en coupant les fils de
fer à coups de hache ; on passe.
Le caporal MOISSONIER tue deux Allemands à coups de baïonnette.
Le sommet est enlevé ; l'ennemi se retire dans ses tranchées de la
contre-pente où ses renforts accourus nous arrêtent.
Toute la soirée, toute la nuit, les contre-attaques se succèdent ; le
Chasseur VINCENT,excellent
tireur d'un grand sang-froid, fait merveille ; un dernier effort tenté à
l'aube n'a pas plus de succès ; le tapis de cadavres qu'éclairent les
premières lueurs du jour montre quel prix l'ennemi attachait à son
observatoire.
Puis, c'est le bombardement continu, les mines et les tuyaux de poêle les
rafales de mitrailleuses, la fusillade incessante et impitoyable, à 40
mètres, où chaque balle tue ; le vent, le froid, la neige épaisse qui tombe
en tourmentes aveuglantes, les pieds gelés.
Impossible de creuser des tranchées dans le roc et la
terre glacée, impossible de poser des réseaux. On se tapit dans la neige le
jour, et la nuit on se fait un toit de branchages, on pose devant soi
quelques caisses pleines de terre, les "boucliers Azibert"
; on jette quelques "araignées" que la fusillade hache, que la
prochaine neige couvrira.
Aux engins de mort perfectionnés de l'ennemi nous ripostons de toute la
force de nos pauvres moyens : vieux obus de 90, bombes qui datent de
Louis-Philippe, pétards faits d'un paquet de cheddite ficelé à une branche
de sapin.
Fiers, les Chasseurs tiennent ferme sur le rude piton ; aux plus vaillants
le poste le plus périlleux ; le soleil luit, leur montre le but, la plaine
d'Alsace où leurs frères les attendent, le Rhin qui scintille et qu'on
atteindra.
A partir du 20 décembre, de sourds coups de mine sont entendus jour et
nuit, de nouveaux préparatifs surgissent, les approches de l'ennemi
apparaissent à 20 mètres du centre de la compagnie TOUCHON où les maigres
fils de fer sont détruits sans cesse par les bombes et les grenades.
Notre ligne va-t-elle sauter ? Un peu à contre-pente, on noie de fils de
fer invisibles à l'ennemi l'arrière de l'espace menacé, on aligne quelques
boucliers Azibert autour de cette zone condamnée.
Le 24 décembre, les compagnies PIOT et TOUCHON sont en ligne, la compagnie
TOUCHON au point le plus délicat ; un dur bombardement pendant la matinée,
les 210 de la Poutroye et les grosses mines de Grimaude ont donné ferme ; l'après-midi est calme, la
nuit commence remarquablement tranquille.
Soudain, à minuit, des hurlements et la fusillade assourdissante. Les
Allemands ont surgi en masses serrées. Ils entrent dans la section
BONREPAUX au centre de la compagnie TOUCHON, sur les 50 mètres où le fil de
fer manque ; partout ailleurs, pas un ne passera, et leurs cadavres
s'entasseront si nombreux et si proches que par endroits ils empêcheront le
tir par les créneaux.
Dans la partie envahie c'est un corps à corps très meurtrier où presque
tous les nôtres submergés succombent après une lutte héroïque ; on trouvera
de nos morts serrant encore une pioche enfoncée dans une poitrine allemande
; la masse grossit s'entre-tue avec ses grenades, mais avance.
La section de réserve de la compagnie TOUCHON accourt avec le capitaine
garnit les boucliers Azibert de la deuxième ligne
; la section de réserve de la compagnie PIOT bouche le trou à gauche entre
la partie qui a tenu et la deuxième ligne. Le caporal BESSE tombe
mortellement blessé et crie : "En avant quand même !" Les feux
croisés de ces deux sections font des ravages chez les assaillants empêtrés
dans les fils de fer.
Les nôtres maintiennent une fusillade enragée. Le lieutenant d’artillerie
CHABERT a voulu passer la nuit de Noël à son observatoire près du Sphinx ;
il prend la direction du ravitaillement en cartouches ; ses ravitailleurs
seront aussi héroïques que les combattants.
Le chasseur PELLET offre des cartouches à deux Allemands s'aperçoit de son
erreur, les tue.
Le Chasseur COUP-LA-FRONDE, un bras brisé, fait vingt-deux fois le trajet
du dépôt de munitions à la ligne de feu, et il est beaucoup plus périlleux
d'entrer dans la tranchée et d'en sortir que d'y rester.
Mais les Allemands se renforcent sans cesse, les nôtres diminuent ; il ne
reste bientôt plus à la section de réserve de la 6ème que les sergents
LARGERON et PAUCHON, le caporal CRAMPE et huit Chasseurs, qui répondent aux
cris allemands : "On ne passe pas ! Vive la France" et chantent
la Marseillaise en continuant leur feu.
L'attaque est par bonheur bien contenue partout ailleurs, où les fils de
fer sont suffisants.
Le Lieutenant PIOT accourt sous les balles pour dire : "Chez moi, ça
va, la ligne tient, mais nous en tuons, nous en tuons !"
L'adjudant COLONNA répond invariablement à toutes les demandes de
renseignements : "Nous tiendrons !"
Le Lieutenant BERGE parcourt sans cesse sa ligne avec son calme prodigieux,
sa seule présence est une assurance que tout ira bien.
Le Chasseur VILLARD prend le commandement d'une demi-section dont le
Sergent et les deux caporaux sont tombés.
Les caporaux GADANT et GAVEYRON montrent un splendide courage.
Le Chasseur MONNET tient toute la nuit isolé avec trois camarades.
Le Chasseur MOURGUE, grièvement blessé au bras gauche, tire quand même
toute la nuit.
Arrive enfin une section de la 1ère compagnie, accourue de La Verse ; c'est
la seule réserve du lieutenant MARION, pris à partie aussi, il n'a pas
craint de s'en défaire.
Deux assauts encore, brisés aussi ; au dernier, les Allemands ont trouvé
une brèche, en avant et à droite de la deuxième ligne ; ils glissent
derrière la section LESPECT, l'entourent ; les Chasseurs tirent les uns en
avant, les autres en arrière, tiennent.
La section BOYER de la 2ème, venue de la ferme Mathieu, arrive à point pour
dégager la section LESPECT.
Enfin, un dernier assaut avec fifres, tambours, hurlements de : unser Kaiser (notre Kaiser), Kaisers befehl (ordre du Kaiser), rafales de mitrailleuses dont
on voit la flamme à quelques mètres. L'acharnement de l'ennemi ne sert qu'à
augmenter ses pertes.
Il est 4 heures, l'Allemand n'attaque plus ; dans le bout de tranchée qu'il
a pris ,il s'installe, entasse des boucliers en
fer, des sacs à terre, une mitrailleuse.
Courte et pénible installation, sous notre fusillade sans répit. Au petit
jour le caporal CRAMPE bondit avec quelques Chasseurs et reprend toute la
tranchée perdue. Il y retrouve encore vivants quelques-uns de nos blessés
ensevelis sous des piles de cadavres.
Le commandant interroge les prisonniers ; ce sont des chasseurs
mecklembourgeois du 14ème bataillon ; des cocardes multicolores ornent
leurs shakos de cuir ou de feutre. Ils portent tous au porte-épée une
dragonne verte.
Le capitaine fait réunir ces dragonnes et tout à l'heure le tailleur de la
compagnie y coupera des galons pour les caporaux ; ce sont les premiers
galons verts des chasseurs, ils remplaceront pour un temps les trop
visibles galons jonquille.
Un officier ennemi déclare que les siens ont éprouvé des pertes terribles ;
il les estime à 500 hommes mis hors de combat.
Quatre compagnies de chasseurs, deux compagnies bavaroises de pionniers ont
mené l'attaque. Le dernier assaut fut fourni par la compagnie cycliste ;
son recrutement était de choix, son équipement splendide. Les vainqueurs se
montrent en riant les pompes de bicyclette et se partagent les étuis de
cartes, tout flambants neufs 1
Les prisonniers sont groupés devant le poste du capitaine ; lorsque passe
un Chasseur, un simple petit Chasseur de 2ème classe, tous, ostensiblement
"rectifient la position" ; un feldwebel, interrogé, se fige dans
un "garde à vous" impeccable, montre du menton un de ses gardiens
et dit simplement :
"Die besten Truppen
in der Welt (les meilleurs troupes du
monde)."
Ultimes paroles d'admiration, et d'orgueil aussi de l'ennemi
vaincu"(1).
Une citation entre toutes, celle du clairon MAILLER, tombé la cuisse
brisée, exprime l'exaltation héroïque des Chasseurs dans cette nuit de Noël
|
Trois
rapports concernant l’attaque de la Tête des Faux
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|