Offensive de
la Somme (Juillet 1916)
BATAILLE DE MARICOURT
L'offensive de l'ennemi sur Verdun est enrayée,
c'est le moment de
la revanche.
Le régiment est envoyé dans la Somme. Il
embarque à Revigny le 21 avril et débarque à Sableux, de
là il se rend à
Saint-Sauflieu. Voici Pâques et les beaux jours. Un moment de détente est accordé; on l'utilisera à
s'instruire, d'autant plus que les Anglais ont l’œil sur nous. S'il faut en
croire la rumeur
publique, nos alliés auraient demandé à avoir le 20e corps à leurs côtés pour opérer en
jonction avec lui dans
l'effort qu'ils préparent.
Mais comme il y a beaucoup d'Anglais dans la
région, il faut leur
faire de la place. Le régiment est donc envoyé à Sceux, Bougainville, Fluy, plus au nord, et
l'instruction continue.
Le général BALFOURIER est décoré par le général
JOFFRE à Fluy et
reçoit ensuite un grand ordre russe. C'est une joie pour tout son corps d'armée qui lui est si
profondément attaché.
Le 2e bataillon reçoit un nouveau chef, le
commandant BAILLE, ancien
capitaine au 26e régiment d'infanterie, avant la guerre.
Nous voici bientôt à Suzanne et à Maricourt,
aux premiers jours de juin.
Le secteur du 20e corps s'étendra entre Maricourt et la Somme. Il était tenu jusqu'ici
par deux bataillons
anglais. On y met deux régiments de la 11e division qui auront à effectuer sa transformation. Ils
ne disposeront peut-être que de quinze jours ! Le régiment est du nombre. Il accomplira le tour de force demandé. Long
boyau d'accès, de 7
kilomètres de longueur, des places d'armes, des abris, des dépôts, tout est créé de toutes pièces en
moins d'un mois. Quel bel
effort ! Qui ne se souvient du verger de Maricourt où il n'existait pas un fossé, pas un
trou le 1er juin, et qui, à partir du 1er juillet, sera le lieu de refuge
de tous les
bataillons, se reformant entre deux combats !
Le régiment n'a jamais été aussi en forme. Les
journées semblent trop
courtes, tant l'ardeur est grande. Tous les records sont battus. La tâche de chaque
terrassier s'élève à plus de 2 mètres cubes et est abattue chaque jour.
Tout est préparé dans le plus menu détail. Il y a profusion d'artillerie et
rien ne paraît encore avoir troublé la quiétude de l'ennemi, du moins de ce côté. Les camoufleurs
font des merveilles;
ils remplacent les arbres naturels par des arbres observatoires et y disposent d'ingénieux
périscopes. Les musiciens
se distinguent eux-mêmes, en creusant un vaste poste de secours près du petit cimetière de
Maricourt où les tombes
s'alignent entre des rangées de roses que vient cueillir parfois notre excellent médecin
divisionnaire M. MOURET.
Enfin, huit sapes russes vont permettre d'ouvrir en une nuit, la nuit qui précédera le jour J, une
parallèle de départ à
I00 mètres plus en avant comme il a été prescrit.
Le jour approche. Fixé d'abord au 28 juin, il
est reporté au 1er
juillet. L'artillerie fait rage depuis six jours. Tout paraît détruit,
nivelé. L'enthousiasme est grand, on va se venger de Verdun. A 7 h 30, toute la ligne
s'élance, spectacle inoubliable ! Le 26e, dans un ordre impeccable comme à
la manoeuvre,
avance toujours. Le bois de l'Endurance, le point délicat où le général de division avait promis avant l'attaque de venir embrasser le colonel, est
débordé, dépassé.
Le 26e a atteint la crête des observatoires,
l'objectif où il doit s'arrêter pour le moment et qui cache
encore une fois une tranchée à contre-pente, renforcée de
réseaux de fils de fer : la tranchée rouge. Il faut attendre que les
éléments, à gauche et à droite, progressent, car leur débouché a été moins facile. Le bataillon MIMAUD (3e bataillon) et le bataillon BAILLE (2e
bataillon) s'enterrent au plus vite. Ce travail sous les rafales est impressionnant.
Pendant ce temps, le 1er bataillon, qui est en réserve,
récolte le nombreux
matériel que l'ennemi, surpris par le choc, a laissé
dans ses tranchées; il s'est rendu d'ailleurs en grand nombre (4 officiers et 255 Allemands). Comme on voudrait aller plus loin! mais on n'y peut songer. Tout dépend, en effet, de l'avance des Anglais
à gauche, et c'est de ce côté que les Allemands ont accumulé le plus
gros de leurs forces, du
moins pour le moment; on s'en rend bientôt compte à la violence de leurs contre-attaques, à l'âpreté de leur résistance.
La 39e division qui nous sépare des Anglais a,
elle aussi, un gros
morceau à enlever, le village d'Hardecourt.
Enfin, elle avance; le 1er bataillon qui a relevé le 3e à gauche y aide. Mais il faut céder la place aux chasseurs à pied de la 47e division, commandée par le premier colonel du 26e, au début de la guerre, le général DE
POUYDRAGUIN.
Le régiment passe en deuxième ligne, prêt à
appuyer et attend au ravin Fargny le moment d'intervenir. L'attaque de la tranchée rouge tentée une première fois
ne réussit pas. Il est
reconnu qu'avant de recommencer, il faut procéder à une préparation soignée. On dispose donc de
quelque temps. La 11e division est repliée un peu plus en arrière.
Le régiment est au camp de Méricourt le 12
juillet; dans la période qui suit, il est réorganisé, le D.D. (I) est formé
à l'aide des 4e,
8e et 12e compagnies, les C. M. sont définitivement rattachées aux bataillons. Puis le
régiment se porte en avant le 19 juillet et revient séjourner quelques jours à une petite étape du champ de bataille,
au camp des Célestins.
(1) Dépôt divisionnaire
ATTAQUE
DE MAUREPAS (30 JUILLET 1916)
Le 26 juillet, nous sommes de nouveau en ligne. Les chasseurs
ont bien travaillé, la tranchée rouge est prise. Mais ils sont arrêtés devant Maurepas, accrochés de façon assez précaire aux revers de la pente escarpée qui domine au nord la ligne d'un petit chemin de fer à
voie étroite, bien vite appelé le Tortillard. On continuera à pousser de
l'avant.
La nouvelle attaque qui vise Maurepas est pour
le 30. Elle sera
dure. Le ravin du Tortillard est un nid à projectiles où l'on ne peut songer à se grouper. De la
tranchée rouge jusque-là, la pente est descendante, en pleine vue de l'ennemi, sans un seul cheminement. A gauche, Maurepas forme un bastion bourré de mitrailleuses. Comme
le 1er juillet, l'attaque sera menée par le commandant MIMAUD à
gauche, le commandant
BAILLE à droite.
Le régiment se place dans la nuit. Le 30, au
matin, il est entièrement massé sur l'escarpement au nord du Tortillard. L'heure sonne. Hélas ! il fait un brouillard empêchant de discerner à quelques pas autour de
soi. A droite, les mitrailleuses
crépitent. Une contre-attaque ennemie, peut-être même une attaque, s'est
déclenchée au moment même de
notre départ. Il y a là un tertre, puis un chemin creux qui facilitent la défense. Le lieutenant
SAUVAGEOT y pourvoit. Il est debout, la canne à la main, exhortant ses
hommes. Il est atteint en plein front. Le lieutenant MOUTHON est là aussi avec un canon 37, le premier du régiment,
reçu la veille. Il a
déjà dressé des servants et tire à bout portant. La contre-attaque est arrêtée, mais nous devons rester
sur place de ce côté. A
gauche, le reste du 2e bataillon et le 3e bataillon se sont élancés. Le
brouillard se lève. Que s'est-il passé? Les hommes sont plaqués à terre. Tous ces trous d'obus qu'on apercevait devant la première ligne
étaient organisés et sont garnis de mitrailleuses. Ni à gauche ni à droite
du régiment les
voisins n'ont avancé.
Maurepas tient toujours. Les nouvelles arrivent
lambeau par lambeau. La circulation des agents de liaison est pour ainsi
dire impossible sur cette pente nue, balayée uniformément.
Le capitaine RAUX (10e compagnie) est ramené
grièvement blessé.
Le capitaine HUIN (C. M. 3), cet officier d'élite, dont la compétence comme mitrailleur est
universellement connue, est tombé au départ. Le commandant MIMAUD est couché dans un trou d'obus, blessé à mort.
Il est avec sa première
ligne. Comme Bayard, dont il a l'âme et la foi, il tient à mourir face à l'ennemi et fait pour
cela ses dernières recommandations
à l'un de ses agents de liaison qui l'assiste.
Il faut secourir cette gauche. On concentre le
tir sur Maurepas... Un
avion fait signe d'arrêter : nous avons des hommes contre le village, dans
le cimetière ! Aussi
loin? C'est
impossible: Le fait est exact cependant. Ce sont des braves des 9e et 10e compagnies. Pris sous les
feux des deux partis, ils
sont arrivés à attirer l'attention de l'avion en lui renvoyant les rayons du soleil avec des débris
de métal tombés sous leurs mains. La nouvelle est confirmée par le capitaine COTTENET lui-même, commandant la
9e compagnie. Un peu
plus à gauche, se trouve le lieutenant ASCOLA de la 10e. « Ils ne demandent qu'à tenir
jusqu'au dernier », a écrit COTTENET sur un bout de feuille de son carnet. Qu'on les renforce, dès que cela sera possible.
La nuit tombe. On se regroupe enfin. Le Ier
bataillon relève à
gauche le 3e bataillon dont le capitaine AUBRY s'est employé à recueillir
les débris. Comme il en manque, hélas ! au 2e comme au 3e bataillon: 13 officiers dont 10 tués et
446 hommes tués ou disparus.
Le capitaine BALICOURT (6e compagnie), parti
avec son élan habituel,
a été tué à bout portant en mettant le pied sur la tranchée ennemie. Il n'a pu, hélas !
être ramené. Les lieutenants
DE PILLOT et BERTRAND l'ont suivi et ont disparu. Le lieutenant CHAMAYOU,
un autre brave, est revenu la
gorge traversée; il ne peut plus parler; entouré par un groupe ennemi, il s'est rué sur ses adversaires
et les a terrassés, seul
contre dix. Le sous-lieutenant WETZELMEYER est, lui aussi, parmi les morts. Tous ont
rivalisé de courage et d'ardeur. Pour en être convaincu, il suffisait de
les regarder au départ, même ceux qui attaquaient pour la première fois,
comme ce brave petit caporal POUZET, de la 5e compagnie, si calme, si confiant, qui attendait l'heure en
grignotant une barre de
chocolat, et qui lui aussi n'est pas revenu.
La préparation est reprise, l'assaut sera
renouvelé avec l'aide d'autres unités. Le régiment se replace en deuxième
ligne, en soutien; mais les efforts restent momentanément inutiles. Ils devront être renouvelés bien des fois avant d'arriver jusqu'à Combles.
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