Le Bois d’Ailly
Le 13
septembre, le 8e corps quitte la Lorraine pour les Hauts de Meuse.
Le 29
septembre, le 56e, commandé depuis le début du mois par le
lieutenant-colonel Garbit, défend les pentes
sud-ouest du bois d’Ailly.
Il restera
dans ce secteur fameux jusqu’au 25 septembre 1915, toujours en première
ligne, barrant à l’ennemi la route de Commercy par une lutte de chaque
jour, de chaque nuit, lutte au couteau, à la grenade, d’homme à homme, sous
une avalanche journalière de 210 et de torpilles telle, que plus tard, à
Verdun, lorsque l’enfer tonnera aux portes de Souville,
les vieux du bois d’Ailly ne sauront pas trembler.
Au cours de
cette période héroïque, l’ennemi n’a pu enlever un pouce de terrain gardé
par le 56e, et par contre, toutes les attaques menées par le Régiment nous
ont donné le succès, ou ont été poussées jusqu’au sacrifice.
Au mois de
juin, le général Cordonnier présentant le Régiment au Président de la
République, pourra dire : « Le 56e, c’est ma garde ».
L’Hiver
Le 1er
octobre, le 2e bataillon attaque la Corne du bois d’Ailly, ç 800 mètres de
distance, 800 mètres à faire en plein jour, sur la piste cavalière du
régiment de chasseurs de Sampigny, devant un
ennemi organisé, que nulle artillerie n’a inquiété. Le bataillon part au
milieu de rafales de balles et d’obus, avec une audace folle qui porte les
plus heureux jusqu’à quelques mètres des tranchées ennemies ; mais ils sont
trop peu, et le soir doivent regagner leur base de départ.
Le 9 octobre l’attaque
est reprise dans les mêmes conditions par le 3e bataillon et ce qui reste
du 2e. Elle subit le même sort et le Régiment doit être relevé par suite
des pertes sévères qu’il vient de subir.
Pendant le repose, le 17 et le 25 novembre, le 56e exécutera
avec succès deux brillantes contre-attaques, l’une à la Vaux-Ferry, l’autre
à la Louvière, pour repousser l’ennemi qui a réussi à prendre pied dans
notre système de défense.
Ces opérations
d’octobre et de novembre qui comptent parmi les plus héroïques, valurent au
Régiment, à défaut de récompenses collectives alors inusitées, les hommages
contenus dans les lettres de félicitations du général Bajolle,
commandant la 15e D. I. et du général de Mondésir,
commandant le 8e C.A.
Lettre du
général Bajolle :
Mon cher Garbit,
Les pertes
douloureuses que le 56e vient de faire le 1er octobre m’ont profondément
peiné. Mais elles ont augmenté mon admiration et ma confiance pou ce beau régiment. Si grandes que soient les
exigences parfois si cruelles de la situation, je sais qu’elles ne seront
jamais au-dessus de votre dévouement. Je vous prie de le dire à tous :
officiers, sous-officiers et soldats et de leur adresser mes affectueuses
félicitations.
Lettre du
général de Mondésir :
Je connais le
56e depuis le début de la guerre.
Alors que
j’avais l’honneur de commander le 30e brigade, le
56e était souvent à mes côtés. Je l’ai vu près de Gosselming,
le 3e jour de la bataille de Sarrebourg, à Girivillers,
à Mattexey sur la Mortagne
; enfin sous mes ordres directs, au bois d’Ailly.
Le 56e est un
brave régiment. Si le succès n’a pas toujours couronné ses brillants
efforts, il s’est néanmoins conduit comme une troupe courageuse et tenace
au premier chef. Je connais les pertes sérieuses qu’il a subies à Gosselming et au bois d’Ailly, et je salue tous ces
braves, morts pour la patrie.
Le 8e corps a
dans la forêt d’Apremont un poste d’honneur, vous
le savez.
Je suis sûr de
pouvoir compter sur le 56e pour m’aider dans ma tâche, car il n’y a pas
d’exemple que l’ennemi soit passé là où le 56e se trouvait. Il continuera
dans l’avenir à mériter la brillante réputation qu’il a chèrement acquise.
Je serre la
main à tous les officiers en leur demandant de serrer la main de ma part à
tous leurs sous-officiers, caporaux et soldats, camarades de combat.
Le 25
décembre, le 8 et le 9 janvier, le Régiment attaquera de nouveau, toujours
avec succès, et s’installera sur une meilleure position pour passer
l’hiver.
A la date du 9
janvier, le 56e passe sous les ordres du lieutenant-colonel Duchet.
Le 5 Avril
Les journées
d’avril compteront parmi les plus glorieuses dans les annales du 56e.
Le 5, le
Régiment doit attaquer ce bois qu’il convoite depuis 6 mois, où sont
accumulées les engins qui, tout l’hiver, ont semé la mort dans nos rangs.
L’attaque,
menée par le 3e bataillon, sous les ordres du commandant Greiner, se déclenche avec un enthousiasme
irrésistible.
Mais l’ennemi qui tient à cette position essentielle pour la défense
du Camp des Romains, contre-attaque sans arrêt. Dans la seule journée du 7
avril, après un bombardement qui a nivelé tout le secteur, douze
contre-attaques viendront se briser contre l’indomptable volonté de nos
hommes de ne rien céder.
Le succès du 5
et la résistance tenace des jours suivants valurent au 3e bataillon une
citation à l’Ordre de l’Armée, avec le motif suivant :
Le Général
commandant l’Armée cite à l’Ordre de l’Armée, à la date du 10 mai 1915 :
« Le 3e
bataillon du 56e Régiment d’infanterie a attaqué et enlevé avec la plus
brillante ardeur 3 lignes de tranchées allemandes et s’y est maintenu
malgré des bombardements intenses et des contre-attaques renouvelées de
jour et de nuit. »
Le mois
d’avril est marqué par d’incessants combats à la grenade, l’ennemi essayant
chaque nuit de surprendre la vigilance de nos sentinelles. Mais nos hommes,
jaloux de leurs succès lui barrent la route jusqu’au 4 mai.
A cette date, le Régiment est relevé en entier ; il n’est pas arrivé
à Sorey, où il compte prendre un repos bien
gagné, qu’il apprend la perte de ce bois si chèrement payé et même de
toutes les tranchées de départ.
Le Régiment
remonte en ligne le 14 ; mais le soir même, après un bombardement d’une
violence extrême, l’ennemi attaque de nouveau, prenant pied dans la
carrière ; l’avance est immédiatement enrayée par l’engagement du1er
bataillon. Et dès le lendemain, le 2e bataillon rétablit la situation par
une contre-attaque qui lui livre la carrière et 72 prisonniers.
Enfin, le 17,
le 56e soutient le 171e qui attaque de nouveau et rétablit la situation
telle qu’elle était le 4 avril, avant les attaques du Régiment.
|