BOIS SABOT
Une attaque
opérée dans le courant du mois de décembre a fait dans cette région, reculer l'ennemi, et nous a rendus maîtres des villages de Perthes, du Mesnil, ainsi que de la
ferme Beauséjour et là, en avant de notre nouvelle ligne, les divisions françaises en
secteur ne cessent de harceler
les Allemands. Mais ce n'est jusqu'au mois de mars que par des attaques toutes partielles, à
objectif très restreint que
se manifeste l'activité française. La physionomie de la guerre va se
modifier dès les premiers jours du mois de mars 1915. Le commandement a
prévu pour cette époque,
une attaque de plus grande allure L'ordre de bataille du 15e R. I. à la date du 6 mars est le suivant :
ÉTAT-MAJOR.
Lieutenant-colonel RAUCH, chef de Corps
Capitaine adjoint, PLANTIN
Sous-lieutenant adjoint, DE MAILLÉ
Médecin-major, MALAVAL
Officier d'approvisionnement, BÉNECH,
lieutenant
Officier des détails, VABRE, lieutenant
1er Bataillon.
Capitaine DESCHAMPS, commandant le bataillon.
1ère Compagnie..
Lieut. DUPONT, commandt
Sous-lieutenant MERLE
Sous-lieutenant DÉFONTAINES
2ème Compagnie
Capit. BOUISSET commandt
Sous-lieutenant VILAREM
Sous-lieutenant HEITZ
3ème Compagnie
Sous-lieutenant DOUAT, commandt
Sous-lieutenant VIAL
Sous-lieutenant FABRE
4ème Compagnie
Lieut. TOULZA, commandt
Sous-lieutenant FRANÇOIS
Sous-lieutenant DRÉVILLE
2ème Bataillon.
Chef de bataillon DE TORQUAT, commandt de bataillon.
5ème Compagnie
Sous-lieutenant GUIBERT, commandt
Sous-lieutenant GOJAN
Sous-lieutenant RUELLE
6ème Compagnie
Sous-lieutenant MAVIEL, commandt
Sous-lieutenant HENRY
Sous-lieutenant FABRE (André)
7ème Compagnie.
Sous-lieutenant MAGNIEN, commandt
Sous-lieutenant POUSSE
Sous-lieutenant TEYSSIER
8ème Compagnie
Capitaine REY, commandt
Sous-lieutenant LANTIANY
3ème Bataillon
Chef de bataillon JAZIENSKI, commandant
Médecin aide-major 2e classe, BORIES
9ème Compagnie
Capitaine MARAVAL, commandt
Sous-lieutenant CORMOT
10ème Compagnie
Capitaine JUBERT commandt
Sous-lieutenant COMTE
Sous-lieutenant SAVIN
11ème Compagnie
Sous-lieutenant ROSSINI commandt
Sous
lieutenant
GOEDGEBEUR
12ème Compagnie
Sous-lieut. FABRE commandt
Sous-lieutenant SAVIN
Sous-lieutenant PAMS
Le 6 mars, mis
à la disposition de la 16oème D. I. de réserve, le 15e reçoit l'ordre pour le
lendemain, d'enfoncer les
premières lignes ennemies, de s'emparer du Bois Sabot au nord de la route
de Souain à Perthes Il devra ensuite avec le 143e R. I., exploiter et
élargir ses gains, et poursuivre son avance jusqu'au trou Bricot
qui est désigné comme objectif ultérieur de l'attaque. Le 7 mars, après
une préparation inaccoutumée en ces temps-là, le 15e donnait l'attaque au Bois Sabot, le 1er bataillon sur la face ouest, le 2e bataillon sur la face sud, le
3e bataillon en réserve à
six cents mètres environ au sud. Les troupes étaient placées à cent cinquante mètres des
lignes ennemies, dans une
tranchée nouvelle creusée en hâte, les nuits précédentes. A 10 heures précises, sur le front des deux bataillons, les clairons que l'on n'a plus
entendu depuis de
nombreux mois de cette guerre sourde, sonnent la charge; d'un bond, les sections s'élancent
d'un même mouvement,
hors de la tranchée; les
compagnies du 1er
bataillon atteignent rapidement la corne ouest du Bois Sabot, et s'y maintiennent; celles du 2e bataillon franchissent lestement les réseaux de fil de fer, désorganisés par le bombardement; d'un bond, elles
atteignent la première
tranchée allemande. Les Allemands, culbutés nous laissent des prisonniers et s'enfuient
poursuivis par les nôtres
qui s'avancent vers la deuxième ligne allemande, s'en emparent et l'organisent.
L'ordre donné
par le commandement venait d'être rapidement exécuté avec un brio de haute
allure. Malgré des pertes nombreuses et cruelles en tués et en
blessés, les compagnies
d'attaque et les compagnies de renfort, privées de la plupart de leurs chefs, s'étaient offertes à la mort d'un élan magnifique.
Pendant toute
la durée de l'attaque et de l'organisation des nouvelles positions,
l'artillerie ennemie (lourde et de campagne) bombarde violemment nos
nouvelles lignes; c'est au cours de ce bombardement que fut mortellement blessé le lieutenant-colonel
RAUCH, commandant le 15e régiment d'infanterie.
Dans la nuit
du 7 au 8 mars, les compagnies qui occupaient la partie ouest du bois Sabot eurent à résister à plusieurs petites attaques
allemandes débouchant des boyaux
de communication ennemis. Au lever du jour, une compagnie allemande attaque le front est du bois, pendant qu'une
autre compagnie attaque le front nord-ouest, cherchant
à tourner le bois Sabot par la corne ouest. Quelques hommes, manquant de munitions (ils avaient tiraillé toute la nuit), se replient entraînant le reflux de deux compagnies. Ce ne fut que pour un instant; le 3e bataillon est immédiatement porté en avant, et à sa
droite, les deux compagnies qui avaient rétrogradé se dirigent
vers la corne ouest du bois.
Le commandant
JAZIENSKI, commandant provisoirement
le régiment, toutes
précautions prises, fait reprendre
une offensive générale. Une attaque à la baïonnette, menée de façon brillante sur toute la ligne, non
seulement arrête la contre-attaque
allemande, mais la culbute hors de l'extrémité du bois Sabot. Poursuivant son action, par
un mouvement de
conversion vers la
droite, le 15e régiment d'infanterie rejette dans le grand bois
l'ennemi battu et désemparé, et enlève, après une énergique progression à la baïonnette, au cours de laquelle le
capitaine DESCHAMPS est tué,
une nouvelle tranchée ennemie située à la lisière nord du bois Sabot.
Seule, l'extrême fatigue des hommes ne permet pas
de songer à pousser plus avant. Les heures qui suivirent furent employées à organiser la position; le soir, au moment où le 15e était relevé par le 143e régiment d'infanterie, les positions
conquises étaient partout maintenues.
Le 10 mars, le 15e régiment
d'infanterie relève le 143e R. I.; ordre lui est donné, le 13 mars,
d'attaquer la tranchée allemande entre l'angle rentrant du bois Sabot, à
l'ouest de la clairière, située à l'est du même bois. Pour garder les bénéfices de la surprise,
l'artillerie ne devait ouvrir son feu qu'à 5 h. 3o; quand l'attaque
déboucha des tranchées
allemandes, les moyens de résistance s'accentuaient de
jour en jour, un feu terrible de mousqueterie et de
mitrailleuses accueillit les sections de tête. Celles de gauche furent fauchées, celles du
centre et de droite
parvinrent à une vingtaine de mètres des tranchées allemandes, mais durent
s'abriter dans les trous d'obus et les moindres aspérités du sol, et pour
la nuit rentrer dans les
lignes. Le courage des troupes fut admirable; sur deux cents hommes engagés ce jour-là, les pertes
furent de quatre-vingt-quinze
hommes et deux officiers.
Le 13 au soir,
le régiment est relevé par le 143e régiment d'infanterie; le total des pertes éprouvées par le 15e régiment d'infanterie pour les journées du 7, du 8 et du 13 mars s'élève à dix officiers tués, neuf
officiers blessés, deux
officiers disparus, quatre cent quarante-cinq hommes tués ou disparus, six
cent trente-trois blessés.
Le total
douloureux de ces pertes est pour le 15e le plus éclatant témoignage d'honneur et d'abnégation héroïque.
Les 6e et 12e compagnies se sont remarquées particulièrement et ont mérité la citation suivante :
A l'ordre du régiment n° 123 du 11 mars 1915.
Les 6e et 12e
compagnies du 15e régiment d'infanterie « Sont citées à l'ordre du régiment pour la brillante façon dont
elles ont attaqué et maintenu les positions conquises dans le bois Sabot, en même temps que
pour l'ordre et la
discipline qui ont facilité l'action des chefs et la réussite de
l'opération. »
Le 13 mars, la
9e compagnie était également l'objet d'une citation très élogieuse à l'ordre du régiment.
Ordre du
régiment n° 126 du 13 mars 1915.
Est citée à
l'ordre du régiment :
« La 9e
compagnie pour -la façon brillante dont elle s'est portée à l'attaque d'une
tranchée ennemie sous un feu des
plus violents qui lui a fait perdre deux-officiers et cinquante hommes. »
Dans son ordre
général n° 57, le général GROSSETTI, commandant le 16e corps d'armée, tint
à rendre hommage à la vaillance du 15e régiment d'infanterie,
dans les termes suivants
:
« Comme le 81e
dans la journée du 5 mars, le 15e régiment
d'infanterie a, le 7, brillamment enlevé à la baïonnette les tranchées ennemies et fait des
prisonniers. Le général commandant le corps d'armée est heureux de porter cette bonne nouvelle à la connaissance
des troupes placées sous
son commandement et de féliciter ce régiment qui s'est si vaillamment comporté à cette occasion. »
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