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VESTIGES 1914 1918

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Source :

Les Armées Françaises dans la Grande Guerre, gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 

 

 

DEUXIÈME BATAILLE DE CHAMPAGNE. - PREMIÈRE ATTAQUE GÉNÉRALE.

(25-29 SEPTEMBRE 1915.)

 

 

I. —JOURNÉE DU 25 SEPTEMBRE:

LA PERCÉE DE LA PREMIÈRE POSITION ALLEMANDE.

 

     Les enseignements tirés de la deuxième bataille d'Artois aux mois de mai et juin 1915 nous ont déterminés à choisir en Champagne le terrain de notre action principale. Nous avons reconnu en effet qu'en raison de l’état de notre armement il était très difficile d'enlever des localités bâties. Or le front d'attaque des IIe et IVe armées ne comporte que le seul village d'Aubérive, ce qui doit beaucoup faciliter notre avance.

     D'après les renseignements que nous possédons le 25 septembre, les organisations allemandes dont nous avons à nous rendre maîtres sont néanmoins très fortes et constituent deux positions successives. La première est composée d'un lacis de tranchées formant une série de lignes puissantes mais qui peuvent en général être observées à vues directes. Certaines parties de cette position, comme la Main-de-Massiges, la butte du Mesnil, les bois à l'est et à l'ouest de Souain, le village d'Aubérive, constituent de véritables forteresses, parfois pourvues, comme à la butte du Mesnil, de communications souterraines longues de plusieurs centaines de mètres. En d'autres points, les tranchées de soutien, établies au milieu des bois et à contre-pente, sont invisibles de nos observatoires terrestres. Enfin, les nombreuses batteries allemandes en position sur les hauteurs de Servon et de Moronvilliers peuvent battre d'écharpe les deux ailes de nos troupes d'attaque. La deuxième position se trouve à une distance moyenne de 3 à 5 kilomètres au nord de la première ligne, sur le versant sud de la Py et le versant nord de la Dormoise. Elle n'était qu'ébauchée au mois de juillet, mais, dès le commencement de nos travaux d'approche, les Allemands ont activement travaillé à la perfectionner. Le jour de l'attaque, elle ne comprend encore en général qu'une seule ligne de tranchées, discontinue même par endroits, comme dans la région de la ferme Navarin, de l'arbre 193, de la butte de Tahure; mais elle est presque partout tracée à contre-pente et protégée par un réseau de solides fils de fer. Au cours de la préparation d'artillerie, elle sera battue par nos pièces longues.

     Notre haut commandement sait depuis plusieurs semaines qu'en face du front d'attaque les lignes allemandes sont tenues, de l'ouest à l'est, par le 12e corps saxon de réserve (23e et 24e divisions de réserve), le détachement d'armée von Fleck (division Liebert, 50e division, division Ditfurth) appartenant à la IIIe armée (von Einem) ; enfin, par la 21e division de réserve (18e corps de réserve), appartenant à la Ve armée (Kronprinz impérial) : soit six divisions représentant un total d'environ soixante-dix bataillons. En arrière du front, la division de cavalerie du général von Lippe fournit un certain nombre d'hommes dans les tranchées.

 

     Une longue série de belles journées favorise les tirs de réglage puis la préparation d'artillerie ; celle-ci commence le 22 septembre et paraît donner d'excellents résultats, mais entraîne une consommation d'obus de 75 dépassant toutes les prévisions ; le bombardement à grande distance des bivouacs et cantonnements, des points de passage importants et des bifurcations de voies ferrées est effectué à partir du 24, en particulier, la ligne de Bazancourt à Challerange semble rendue inutilisable pour l'ennemi, dont l'artillerie ne réagit que peu.

     En raison du beau temps, ainsi que pour diminuer la fatigue des troupes et les pertes auxquelles elles seraient exposées par un long séjour dans les places d'armes et les boyaux, le général de Castelnau, qui a établi le 23 septembre son poste de commandement à Châlons, décide que l'heure de l'attaque sera déterminée d'après les résultats obtenus le 24 au soir par les tirs d'artillerie et d'après le moment auquel il estimera pouvoir faire commencer ces tirs le matin du 25 septembre. Il prescrit donc le 24 que l'assaut, prévu d'abord pour 10 heures, sera avancé et donné sur toute la ligne à 9h 15.

     Mais dès le 23 septembre au soir le service météorologique signale que le temps semble devoir changer : de fait, dans la nuit du 24 au 25, il pleut abondamment. Néanmoins l'attaque n'est pas décommandée et s'engage à l'heure prescrite. Le temps a paru un moment se remettre, mais bientôt la pluie recommence à tomber pour ne plus s'arrêter qu'à de rares intervalles jusqu'au 29 septembre, si bien qu'il sera presque impossible d'utiliser nos avions et nos ballons pour les réglages. Par contre, pendant les premières heures de la matinée, l'artillerie ennemie se montre peu active et nos soldats se portent à leurs emplacements de combat sans subir de fortes pertes.

     Dix-huit divisions d'infanterie donnent l'assaut, sur un front de 1.500 à 2.000 mètres environ par division. Huit divisions sont en deuxième ligne ; d'une façon générale, elles font face aux trouées escomptées ; toutefois, à la IIe armée, aucune d'entre elles n'a été placée en arrière du 14e corps, vis-à-vis du terrain assez découvert qui s'étend à l'est des bois du Trou-Bricot.

     Malgré les conditions atmosphériques défavorables, nos soldats attaquent sur tout le front avec une bravoure et un élan qu'attesteront leurs pertes, les nombreux trophées enlevés à un tenace adversaire et le terrain conquis.

 

     La IIe armée entame la lutte dans les conditions prévues par l'ordre d'attaque du 20 septembre.

     Le 1er corps colonial (général Berdoulat) a ses trois divisions de première ligne accolées, la 151e division à droite, la 3e division coloniale au centre, la 2e division coloniale à gauche. La 32e division (16e corps), qui lui est rattachée, suit en deuxième ligne.

     La 151e division attaque entre la route de Berzieux à Cernay et le bois de Ville ; elle prend pied dans les premières lignes allemandes, mais elle est arrêtée devant des réseaux incomplètement détruits par des feux de mitrailleuses et le tir d'écharpe des batteries allemandes accumulées au nord-est de Servon ; contre-attaquée à plusieurs reprises avec violence, elle subit des pertes sérieuses.

     La 3e division coloniale ne réalise à sa droite que des progrès insignifiants ; sa gauche parvient à prendre pied à l'extrémité de la Main-de-Massiges et se maintient aux abords de la cote 191 au prix de lourds sacrifices. La 2e division coloniale enlève presque sans pertes les premières lignes sur les « doigts » de la Main et s'avance jusqu'à mi-pente ; mais alors nos soldats sont obligés de se jeter dans les boyaux et ne peuvent plus avancer que par une lutte incessante à la grenade.

     Vers 11 heures, le général Berdoulat demande au commandant de l'armée l'autorisation d'utiliser la 32e division pour combler le vide qui s'est produit entre la droite du 20e corps et la gauche de la 2e division coloniale. A 11h 30, le général Pétain accède à cette demande, mais l'entrée en action de la 32e division « devra se faire en tout cas avec prudence, afin d'éviter une usure trop rapide de nos réserves ». En conséquence, la brigade de tête de la 32e division se porte par le vallon du Ruisseau-de-l'Etang à la gauche de la 2e division coloniale, mais elle ne s'engage pas ce jour-là. La brigade de queue reste en réserve à l'est de Massiges.

     A la nuit, le 1er corps colonial est maître d'une partie de la Main.

     Au 20e corps, le général Balfourier a donné pour objectifs à la 39e division la croupe 171, Fontaine-en-Dormois, et à la 11e division la croupe 194, au nord-ouest de Ripont. La 153e division suit en deuxième ligne.

     La 39e division enlève avec rapidité la crête de Maisons-de-Champagne. Sa droite est arrêtée devant l'ouvrage de la Défaite, situé à contre-pente ; au-centre et à la gauche, quelques éléments poussent jusqu'à la Dormoise, traversant plusieurs batteries en action et tuant les servants sur les pièces ; mais ils sont finalement rejetés sur la crête, à quelques centaines de mètres au sud de la ferme de Maisons-de-Champagne, qui retombe aux mains de l'ennemi.

     La 11e division a fait de rapides progrès par sa droite, en liaison avec la gauche de la 39e ; par contre, au centre et à la gauche, elle ne gagne du terrain qu'avec beaucoup de difficulté et de lenteur ; à l'extrême gauche, quelques éléments atteignent d'un bond le sommet de la butte du Mesnil, mais ils y sont entièrement détruits.

     Averti de l'enlèvement de la crête de Maisons-de-Champagne, le général Balfourier donne l'ordre de lancer les deux escadrons de corps sur les batteries ennemies de l'ouvrage de la Défaite. Nos cavaliers franchissent les premières lignes allemandes, mais ils sont obligés ensuite de mettre pied à terre et doivent se contenter d'aider l'infanterie à nettoyer les tranchées conquises.

     Croyant de plus à un grand succès de sa gauche, le commandant du 20e corps prescrit à la 153e division de porter sa brigade de tête (306e brigade) derrière la gauche de la IIe division, et sa brigade de queue (3e brigade du Maroc) derrière la gauche de la 39e division. C'est à 13 heures seulement que, pour exploiter le succès qui s'affirme à son centre, il met, avec l'assentiment du général Pétain, un régiment de la 3e brigade du Maroc à la disposition de la 39e division, et à 15 heures un régiment de la 306e brigade à la disposition de la 11e division. Mais, bloqués dans les boyaux, ces régiments mettront plusieurs heures pour franchir les quelques kilomètres qui les séparent de leurs positions de combat, où ils n'arriveront qu'à la nuit. Depuis longtemps déjà, les éléments du 20e corps qui avaient poussé jusqu'à Ripont ont été refoulés sur Maisons-de-Champagne.

     Le 11e corps (général Baumgarten) attaque par divisions de première ligne accolées, la 21e division à droite, la 22e division à gauche. La 53e division est en deuxième ligne.

     La 21e division est arrêtée net devant la Courtine et le Trapèze par des réseaux placés à contre-pente et que notre artillerie n'a pu détruire. Subissant de grosses pertes, privée de ses cadres, elle est bientôt rejetée dans ses tranchées de départ, où elle restera immobilisée toute la journée.

     A sa gauche, au contraire, la 22e division franchit d'un seul élan les premières lignes allemandes et gagne rapidement du terrain vers le nord. Sa brigade de droite atteint la Brosse-à-Dents et le village de Tahure, mais, dans le courant de l'après-midi, elle est rejetée sur la croupe 170 (1 kilomètre sud-ouest de Tahure). Pour combler le vide qui s'est produit entre la gauche de la 21e division et la droite de la 22e, le général Baumgarten met sa réserve (deux bataillons de la 21e division) à la disposition de la 22e. La brigade de gauche de celle-ci, mêlée à des éléments du 14e corps, se maintient à la tombée de la nuit sur la croupe à 600 mètres au nord-ouest de Tahure. La cavalerie de corps a été portée en avant, mais n'a pu dépasser la cote 188 (1.600 mètres au nord de Perthes-lez-Hurlus ).

     Le 14e corps remporte un succès encore plus rapide et plus important. Son chef, le général Baret, a décidé de porter son effort principal sur le terrain libre à l'est du Trou-Bricot et de se couvrir à gauche à la fois par une attaque secondaire sur la partie sud des bois du Trou-Bricot, dite « la Poche », et par l'occupation de la lisière est de ces bois. La 27e division est chargée de l'opération décisive ; pour la libérer de toute préoccupation sur son flanc gauche, le général Baret l'a renforcée du 30e régiment (28e division). il a gardé à sa disposition un autre régiment de la 28e division, le 416e.

     La 27e division enlève d'un seul bond toutes les premières organisations allemandes ; continuant presque sans arrêt sa marche victorieuse vers le nord, ramassant sur son passage prisonniers et canons, elle atteint dès 11 heures, par sa gauche, le mouvement de terrain de l'arbre 193 et, par sa droite, la région de la source de la Dormoise, en liaison avec la 22e division (11e corps) ; elle est ainsi au contact de la deuxième position allemande et a progressé de 4 kilomètres en deux heures.

     Le 30e régiment, après avoir accompagné et couvert le mouvement en avant de la 27e division, exécute une conversion à gauche par bataillons et se jette sur les lisières est des bois du Trou-Bricot, prenant ainsi de flanc et à revers les défenseurs du massif complètement surpris. A 13h 30, il occupe la Baraque, sur la route de Souain à Tahure, et pousse par cette route un détachement de liaison au devant de la division marocaine, qui, de son côté, a pénétré dans les bois par l'ouest. Pendant ce temps, la 55e brigade (28e division) a enlevé « la Poche », dont elle s'est rendue maîtresse à 9h 30. Dès lors, les Allemands qui occupent la région du Trou-Bricot se trouvent à peu près cernés.

     Il semble qu'il n'y ait plus qu'un effort à faire pour percer la mince ligne qui seule constitue la deuxième position de défense ennemie et qui, à 11 heures, ne parait encore que faiblement occupée ; mais cette ligne est couverte par un réseau de fils de fer resté intact et les troupes de la 27e division, qui viennent de fournir un magnifique effort, ont subi des pertes sérieuses et se sont entremêlées ; elles sont en outre à ce moment arrêtées par des coups trop courts de nos propres pièces, par un barrage d'artillerie lourde ennemie ainsi que par des feux d'écharpe partant de la butte de Souain, de la butte de Tahure et des bouquets de bois en avant des tranchées de la Vistule, qui sont encore tenus par des mitrailleurs ennemis ; enfin, les liaisons ne sont assurées qu'avec les plus grandes difficultés.

     Le commandant du 14e corps a placé en réserve près de Perthes le 416e régiment (28e division). Prévenu du succès de la 27e division, il prescrit vers 10h 30 à ce régiment de gagner la tranchée d'York. Ce mouvement est terminé à midi. Vers 15 heures, le général Baret met le 416e à la disposition du commandant de la 27e division qui le fait porter en avant et à 18h 30 ce régiment arrive à proximité de la ligne de bataille ; pour des raisons qui n'ont pu être déterminées, il n'attaquera pourtant que le lendemain. Quant au régiment de cavalerie de corps, il a dû s'arrêter dans la région de la source de la Dormoise. En résumé, à partir de midi, la 27e division ne réalise qu'une très légère avance, à ses deux ailes.

     De son côté, le général Pétain prend ses dispositions pour exploiter le succès obtenu par le 14e corps et la gauche du 11e. A 13h 15, il autorise le général de Buyer, commandant le 3e corps de cavalerie, à porter sa division de gauche, la 8e, au sud de Perthes jusqu'à la Voie romaine qu'elle atteint à 16h 50.

     A 13h 40, il avise le commandant du 11e corps que la 53e division sera peut-être attribuée au 14e corps, dont le succès semble s'affirmer. En effet, à 15h 20, il donne l'ordre au général Baumgarten de porter une brigade de cette division, la 106e, derrière la 27e division, mais sans la mettre encore à la disposition du 14e corps. A 16h 55, il lui prescrit de diriger la 105e brigade au nord de Perthes. Enfin vers 18 heures, il l'autorise à engager la 105e brigade entre les 21e et 22e divisions, pour combler le vide dangereux qui s'est produit entre ces deux unités En réalité, aucun des ordres envoyés à la 105e brigade ne pourra être exécuté ; elle est en effet bloquée par la 21e division. qui n'a fait aucun progrès, et sur laquelle elle a serré à fond, comme le prescrivaient les ordres donnés par le commandant de corps d'armée ; elle doit, pour déboîter vers l'ouest, faire des mouvements de rocade à travers des boyaux et des tranchées encombrées, dans lesquels elle reste a embouteillée toute la nuit. La 106e brigade elle-même, moins désavantagée parce qu'elle se trouve en arrière de la 22e division, n'achève son mouvement que vers minuit.

     Vers 18 heures également, le général Pétain donne son ordre d'attaque pour la journée du 26. Il indique d'abord les résultats acquis, importants surtout au 14e corps et à la droite du  11e ; il croit qu'à la IVe armée le 2e corps colonial a ouvert, dans la région de la ferme Navarin, une brèche que le 6e corps a pour mission d'élargir. Il prescrit ensuite que « la IIe armée continuera sans arrêt, de nuit et de jour, son offensive de manière à atteindre les objectifs qui lui ont été assignés. En outre les 11e et 20e corps s'efforceront de se donner la main de manière à faire tomber toutes les résistances au sud de la Dormoise. »

     Les ordres donnés primitivement pour l'emploi des réserves et du corps de cavalerie après la conquête de la deuxième position sont maintenus. Le 3e corps de cavalerie se tiendra prêt à profiter de la brèche ouverte par la IVe armée dans la région de Navarin pour atteindre le terrain libre et concourir au débouché de la IIe armée.

     A 22h 30, le général Pétain est avisé que la 16e division coloniale lui est attribuée et débarquera le 26 à partir de 7 heures dans la région de Sainte-Menehould. Il décide aussitôt de placer sous les ordres du commandant du 14e corps la 31e division, du 16e corps, qui est en réserve générale et n'a pas été engagée le 25 ; cette mesure a pour but de permettre au général Baret d'exploiter son succès de la journée et d'attaquer à fond le lendemain la deuxième position allemande. La 31e division devra être rendue le 26 à 7 heures au nord de Perthes; la 16e division coloniale la remplacera en réserve d'armée et relèvera du général Grossetti, commandant le 16e corps.

 

     La IVe armée s'engage dans les conditions fixées par le général de Langle dans ses Instructions du 5 et du 23 septembre.

     Le 2e corps colonial (général Blondlat) attaque avec ses trois divisions accolées. La division marocaine (général Codet), à droite, a été renforcée par une brigade à quatre bataillons de la 60e division ; par contre, les deux régiments étrangers lui ont été retirés et sont en réserve, l'un à la disposition de la 10e division coloniale (général Marchand), l'autre à la disposition du commandant de corps d'armée.

     La division marocaine encercle rapidement le Trou-Bricot par l'ouest et par le nord, en même temps que le 14e corps l'attaque par le sud et par l'est ; elle se met en liaison avec celui-ci et avec la 10e division coloniale qui combat à sa gauche.

     Cette dernière, dans un élan magnifique, traverse d'un bond toute la première position allemande : à 10 heures, sa brigade de gauche occupe la ferme Navarin, qu'elle dépasse même par ses patrouilles, et sa brigade de droite atteint les bois au sud-ouest de la butte de Souain. Elle a ainsi progressé de près de 3 kilomètres en trois quarts d'heure. Mais ses pertes sont très élevées, surtout dans les cadres supérieurs : le général Marchand est grièvement blessé, l'un des commandants de brigade est tué, l'autre est mis hors de combat. Les unités sont en outre très mélangées. Néanmoins, vers 10h 30, la deuxième position allemande ne semblant encore occupée que par des forces peu importantes, le mouvement en avant va être

repris lorsqu'il est arrêté par un tir trop court de notre artillerie lourde, tir qui se prolonge avec violence jusqu'à 15h 30 et provoque même le reflux de notre ligne avancée jusqu'à 200 mètres au sud de la ferme Navarin.

     A gauche, la 15e division coloniale (général Bro) a brillamment progressé; elle a toutefois gagné moins de terrain que la division Marchand et reste en échelon refusé par rapport à celle-ci. Ses pertes en hommes et en cadres sont également des plus sérieuses.

     En résumé, à midi, le corps d'armée est maître incontesté de toute la première position allemande ; il se trouve même par son centre au contact de la deuxième.

     A 10 heures, quelques minutes avant d'être blessé, le général Marchand a donné l'ordre au 2e régiment étranger, qui constitue sa réserve, de se porter en avant jusqu'à hauteur de la première position allemande ; retardé par encombrement des boyaux et les gaz asphyxiants qui remplissent le vallon de la Ain, ce régiment n'atteint qu'après 11 heures le nouvel emplacement qui lui est assigné. Il y reste jusqu'à 16h 30, et c'est à ce moment seulement qu'il se porte dans la direction de la ferme Navarin ; à part de faibles éléments qui ont, de leur propre initiative, suivi les coloniaux, il ne sera pas engagé de la journée.

     De son côté, le général Blondlat a prescrit dès 9h 50, au 1er étranger de se porter en avant jusqu'à la source de la Ain ; puis, sur la demande du commandant de la 10e division coloniale, il le met à la disposition de celui-ci, qui le dirige vers la butte de Souain, pour couvrir sa droite. Le régiment ne sera pas non plus engagé le 25 septembre. Quant à la cavalerie de corps, rassemblée vers 9 heures à 3 kilomètres au nord de Suippes, elle a reçu du général Blondlat, un peu après midi, l'ordre de se porter vers le nord et de chercher à utiliser la brèche que l'on croit ouverte dans la deuxième position allemande, mais elle a dû s'arrêter à 500 mètres environ au sud de la ferme Navarin, et, sur l'ordre de son chef, se borner à renforcer provisoirement la ligne de feu par des unités à pied.

     A 10h 40, le général Blondlat est avisé par le commandant de la division marocaine que « tout va bien » de ce côté, et que « de l'avis de tous ceux qui ont assisté aux combats d'Arras le moment est venu de pousser en avant le 6e corps ». Il transmet aussitôt ce renseignement au commandant de l'armée et il ajoute que, conformément aux instructions antérieures, le 6e corps a déjà commencé son mouvement. Un peu après midi, bien qu'étant assez mal renseigné sur la situation, il craint que son corps d'armée n'ait « donné tout son effort offensif et qu'il ne puisse enlever la deuxième position allemande. Il signale donc au général de Langle que le moment lui semble venu « de faire exploiter par le 6e corps le succès partiel » obtenu par le 2e corps colonial.

     Aussitôt, le général de Langle téléphone au général Paulinier « de pousser en avant sans interruption sur les objectifs qui lui ont été donnés. Il ramassera sur son passage les éléments du 2e corps colonial qui se seraient arrêtés, de façon à enlever le plus vite possible la ligne de défense qui est à hauteur de la ferme Navarin. Il continuera ensuite à pousser avec la plus grande énergie et sans arrêt ». Le commandant du 6e corps donne aussitôt des ordres dans ce sens aux 12e et 127e divisions. A 13h 15, le général de Langle confirme et précise ses instructions. Le général Blondiat engagera toutes ses réserves ; si néanmoins il n'arrive pas à faire brèche, le 6e corps devra l'aider à percer. En outre, le général Paulinier appuiera la gauche de la 15e division coloniale, dont la progression est ralentie par des feux de flanc et de revers. A 16h 30, le commandant de la IVe armée prescrit que le 6e corps devra, avant d'atteindre Somme-Py, élargir d'abord la brèche de Navarin « en faisant tomber soit par une attaque directe, soit de préférence par une action à revers, les tranchées de Lübeck et des Vandales d'une part, et la butte de Souain d'autre part ; le 2e corps colonial coopérera à cette action dans toute la mesure de ses forces ».

     Le général Paulinier prescrit à la 127e division, qu'il a, dès 11 heures, renforcée par le régiment de la 12e division conservé jusqu'à ce moment en réserve de corps d'armée, d'attaquer la butte de Souain ; il donne l'ordre à la 12e division, réduite à trois régiments, d'enlever les tranchées de Lübeck et des Vandales. Cet ordre est confirmé à 18 heures ; la 127e division devra en outre réoccuper la ferme Navarin, dont le commandant du 6e corps vient d'apprendre l'évacuation.

Pendant ce temps, les troupes de la 127e division (général Briant) progressent derrière la 10e division coloniale et, vers 16 heures, leurs éléments de tête arrivent à proximité de la ligne de feu. Mais par suite de la difficulté des transmissions les commandants de brigade ne sont pas avisés des ordres donnés par le général Paulinier, ou ne les reçoivent qu'avec de grands retards : jusqu'à une heure avancée de l'après-midi, ils resteront donc sous l'influence des instructions antérieures, d'après lesquelles ils ne doivent « en aucun cas » aider le 2e corps colonial à enlever ses objectifs.

     En outre, les unités de la 127e division se sont mélangées aux coloniaux et ont subi quelques pertes pendant leur marche d'approche. Il en résulte qu'à part de très faibles éléments, qui attaquent de leur propre initiative dans la région de la ferme Navarin et sans obtenir le moindre résultat, aucune des deux brigades de la 127e division ne s'engagera ce jour-là.

     Quant aux régiments de la 12e division (général Gramat), ils ont suivi la progression de la 15e division coloniale. De même qu'à la 127e division, plusieurs des ordres donnés par le commandant du 6e corps ne parviennent pas jusqu'aux échelons inférieurs. Néanmoins, vers 16 heures, les premiers éléments de la 12e division contribuent à repousser une contre-attaque allemande lancée contre la brigade de droite de la 15e division coloniale, puis participent à l'assaut donné en vain à 17h 30 par cette brigade contre les tranchées de Lübeck et des Vandales.

     En résumé, à la tombée de la nuit, la 10e division coloniale et la 127e division, plus ou moins mélangées, tiennent une ligne qui va de la lisière des bois au sud-ouest de la butte de Souain jusqu'aux abords sud de la ferme Navarin ; la 15e division coloniale, renforcée par des éléments de la 12e division, a son front jalonné par le chemin de Saint-Hilaire-le-Grand à la ferme Navarin ; sa gauche est en liaison avec le 7e corps au sud de la cote 174 (3 kilomètres nord-ouest de Souain). A minuit, le 2e corps colonial annonce plus de 2.000 prisonniers.

     La 56e division a été disposée en arrière du 7e corps ; mais, estimant vers 17 heures que les résultats obtenus par le général de Villaret sont beaucoup moins susceptibles d'exploitation que le succès du 2e corps colonial, le général de Langle prescrit à cette division de revenir à son emplacement de bivouac du matin, et de s'y tenir prête à faire mouvement dans la nuit à partir de 1h 30. Un peu plus tard il lui donne l'ordre de se trouver le 26 à 3 heures à la ferme des Wacques (2 kilomètres sud-ouest de Souain) et la met à la disposition du 6e corps.

     Enfin, le 2e corps de cavalerie a suivi la progression du 6e corps ; à 17 heures, deux de ses divisions ont leurs avant-gardes à hauteur de nos anciennes tranchées de première ligne et les têtes de leurs gros au sud de Souain sur la Voie romaine ; la troisième a son avant-garde à Saint-Hilaire-le-Grand, son gros au sud-ouest de Saint-Hilaire. A 17h 15, le général de Langle prescrit au général de Mitry de se tenir prêt à faire passer une ou plusieurs divisions de cavalerie par la brèche, puis de l'élargir par rabattement à l'est et à l'ouest.

     Le 7e corps attaque par divisions accolées, la 14e à droite, la 37e à gauche.

     Le général de Villaret a décidé de faire son effort principal par sa gauche, devant laquelle le terrain semble plus favorable qu'à sa droite pour une progression rapide, et « en raison delà composition spéciale de la 37e division, dont les régiments de tirailleurs sont essentiellement aptes à l'exploitation d'un premier succès ». Aussi la 37e division a-t-elle reçu un secteur d'attaque plus étroit que celui de la 14 e  ; celle-ci, qui doit progresser à travers un terrain très boisé a donc une tâche des plus difficiles. Elle trouve en outre devant elle des réseaux insuffisamment détruits ; plusieurs centres de résistance ennemis dans les premières lignes, bien que cernés, tiendront jusqu'à 17 heures. Bénéficiant néanmoins de la progression de la 15e division coloniale à sa droite, elle parvient au prix de pertes énormes, surtout en officiers, à progresser avec sa droite jusqu'au mamelon 164, et à enlever avec son centre la hauteur boisée 160. En fin de journée, elle est maîtresse de presque toute la première position allemande.

     A sa gauche, la 37e division se heurte, elle aussi, à des réseaux incomplètement détruits ; une heure après l'attaque, elle a perdu une centaine d'officiers et les deux tiers des cadres subalternes. A force d'énergie, sa brigade de droite occupe une partie des bois au sud-ouest de la cote 189 (3 kilomètres 500 au nord-est de Saint-Hilaire-le-Grand) ; à 17h 30, le commandant de la brigade de gauche rend compte qu'il tient la ferme de l'Epine-de-Védegrange, et il ajoute : « le trou est fait, mais a coûté cher. Il faudrait maintenant la 56e division ». De ce côté aussi, la première position allemande est presque tout entière entre nos mains.

     Des patrouilles poussent à 1 kilomètre plus au nord jusqu'à la parallèle de l'Epine-de-Védegrange et signalent qu'elle n'est que faiblement occupée.

     Mais la 56e division qui allait s'engager, on vient de le voir, derrière la 37e division, et dont les éléments de tête atteignaient déjà les premières lignes allemandes enlevées, a été retirée au 7e corps par le général de Langle.

     A minuit, le général de Villaret annonce la capture de 700 prisonniers et de quatre canons.

     Le 32e corps (général Berthelot) attaque par divisions accolées : la 40e division à droite, la 42e à gauche. Chacune d'elles a reçu comme premier objectif un saillant accentué que forment les lignes ennemies en face de son front.

     Toutes deux se heurtent à une violente résistance. Tout ce que peut faire la 40e division, c'est de s'emparer de la plus grande partie de la première ligne ennemie dans son secteur ; sa gauche, arrêtée par des abatis intacts et des feux violents de mitrailleuses, est rejetée dans la parallèle de départ.

     Quelques unités de la 42e division parviennent à percer les premières lignes ennemies et à progresser d'environ 1 kilomètre ; mais elles sont à peu près détruites par une contre-attaque et le feu d'écharpe des batteries ennemies en position sur les hauteurs de Moronvilliers. A la nuit, la division ne conserve qu'une très faible partie de la première ligne allemande au saillant qu'elle a attaqué ; partout ailleurs, elle a été ramenée dans la parallèle de départ.

     Le 32e corps a fait néanmoins environ 700 prisonniers et a capturé 3 canons de 77, mais il a subi de lourdes pertes et n'a gagné que très peu de terrain, surtout à sa gauche. La 8e division, placée derrière lui, n'a pas été engagée

     Au 4e corps, le général Putz a donné l'ordre à la 7e division d'enlever Aubérive par encerclement ; il a prescrit à la 124e division, opérant comme une division isolée, de s'emparer du mont Sans-Nom, au sud-est de Moronvilliers, et de couvrir le flanc gauche de l'attaque générale.

     La brigade de droite de la 7e division attaque Aubérive par le sud-est, à cheval sur la Suippes ; elle est arrêtée presque aussitôt et ne parvient à occuper qu'un fortin avancé sur la rive droite de la rivière. La brigade de gauche attaque le village par l'ouest et cherche à le déborder par le nord. Quelques unités y pénètrent malgré le feu d'écharpe des batteries ennemies de Moronvilliers mais elles ne peuvent être soutenues et sont à peu près anéanties. Le général Putz, d'accord avec le commandant de la IVe armée, songe un instant à faire reprendre l'attaque, mais la 7e division est pour le moment incapable d'un nouvel effort.

     La 124e division est arrêtée dès le début aux deux ailes par un tir de barrage très violent et des feux de flanc. Au centre seulement, nos troupes progressent sur les pentes du mont Sans-Nom, mais elles finissent par être rejetées et ne peuvent conserver à la tombée de la nuit que 300 mètres environ de la première ligne ennemie

     Le corps d'armée a subi des pertes sérieuses.

 

     Tard dans la soirée, le général de Langle donne ses ordres pour reprendre la bataille le lendemain dès le point du jour.

     Le général Blondlat fera effort sur la butte de Souain, en direction du nord-est, tandis que le général Paulinier continuera à tenter d'élargir la brèche faite par le 2e corps colonial ; la répartition des forces actuellement engagées dans cette région sera faite par entente entre les deux commandants de corps d'armée. Le général Paulinier disposera en outre de la 56e division, dont la tête devra se trouver à 3 heures à hauteur de la ferme des Wacques. Le 7e corps tentera de progresser par sa droite ; la 8e division restera en réserve d'armée. Les 32e et 4e corps reprendront les attaques avec les mêmes objectifs. Le 2e corps de cavalerie s'efforcera de passer par la brèche ouverte dans la région de Navarin

     A 22h 40, le commandant de la IVe armée est avisé par le général de Castelnau qu'une division nouvelle, la 167e, est mise à sa disposition et débarquera le lendemain dans la région de Cuperly. Puis il apprend que les progrès du 7e corps ont été plus importants qu'il ne le supposait jusqu'à ce moment. Il décide alors de placer la 8e division sous les ordres du général de Villaret, et de conserver à sa place la 157e en réserve dans les bivouacs de la ferme Piémont et du mont Frenet. Enfin, il envoie au général de Castelnau un compte rendu indiquant la situation générale de la IVe armée telle qu'il la connaît à la fin de la journée.

     A la IIIe armée, le terrain d'attaque est caractérisé par une série de crêtes bien marquées, orientées de l'est à l'ouest, et descendant du bois de la Grurie vers l'Aisne. Comme en Champagne, la première position allemande est constituée par plusieurs lignes de tranchées et un lacis de boyaux qui forment un ensemble très solide, mais qui peuvent en général être observés à vues directes. Toutefois, une dernière ligne, précédée d'un réseau de fils de fer, est établie en contre-bas sur la rive droite du ruisseau de la Noue-Dieusson et échappe à la vue de nos observateurs terrestres.

     Cette position est tenue par la 9e division de landwehr, qui occupe ce secteur depuis le début de 1915.

     Comme à la IIe et à la IVe armée, la préparation d'artillerie commence le 22 septembre ; les destructions sont considérées comme achevées le 25 au matin. A 9h 15, l'attaque s'engage dans les conditions prévues et avec la plus remarquable vigueur.

     A la droite de la 128e division, nos troupes traversent d'un seul élan les premières lignes allemandes ; débordant le bois Beaurain par l'est et par l'ouest, elles atteignent le fond du vallon de la Noue-Dieusson, mais elles se trouvent alors en présence de la dernière ligne, dont le réseau, qui n'a pu être battu qu'au jugé, est resté intact ; en même temps, elles sont arrêtées par des feux violents de mitrailleuses et par un tir de barrage de l'artillerie adverse. La gauche de la 128e division a, de son côté, franchi les premières lignes ennemies ; vers 9h 30, prise en flanc par une contre-attaque débouchant de la région de Servon, à cheval sur la route de Servon à Vienne-le-Château, elle est rejetée dans sa parallèle de départ. Le régiment de la division provisoire, qui a reçu la mission de suivre immédiatement la gauche de l'attaque pour la couvrir, serait bien placé pour prendre lui-même la contre-attaque en flanc ; mais on n'a pu, faute de temps, lui aménager de parallèle de départ et il est disposé en colonne dans des boyaux non pourvus de gradins de franchissement. Quelques unités de tête parviennent à en déboucher, mais la plus grande partie du régiment y reste immobilisée. Décimés par les feux d'infanterie et d'artillerie, privés de presque tous leurs cadres, le centre et la droite de la 128e division plient à leur tour devant cette contre-attaque, à laquelle s'ajoute la pression

d'autres contre-attaques, de front ou débouchant de l'Argonne. Entre midi et 13 heures, toute notre ligne a été refoulée dans la parallèle de départ avec des pertes énormes. Seuls, les débris de notre extrême droite luttent encore dans le vallon de la Noue-Dieusson, sans qu'il soit possible de les dégager ; de ces débris, il ne rentrera dans les lignes que quelques hommes, à la tombée de la nuit.

     A 10h 45, le général Anthoine, qui dirige les troupes d'attaque, a donné l'ordre au commandant de la division provisoire de reprendre la lutte. Mais lès troupes, entassées dans les boyaux, ne peuvent se porter en avant qu'avec une extrême lenteur. Le général Delbousquet décide en conséquence que la nouvelle attaque, fixée d'abord pour 13 heures, n'aura lieu qu'à 14 heures ; à ce moment, toutes les unités ne sont même pas encore en place. Les éléments de tête se lancent à l'assaut à l'heure prescrite ; ils sont cloués au sol par des feux de mitrailleuses et un très violent tir de barrage.

     Le général de Castelnau décide alors d'arrêter les opérations offensives entre l'Aisne et l'Argonne, et donne l'ordre au commandant de la IIIe armée de se reconstituer des réserves. Le général Humbert prescrit donc de relever la 128e division, très éprouvée, et une brigade de la division provisoire.

     En résumé, si le front ennemi n'a pas été percé, des résultats très appréciables ont été obtenus le 25 septembre. Quatre avances ont été réalisées une, assez sérieuse, dans la région de Maisons-de-Champagne et à la Main-de-Massiges ; deux, très importantes, au nord de Perthes et de Souain et qui nous ont amenés au contact de la deuxième position allemande ; enfin une, légère, dans la direction de Saint-Souplet.

     Nous avons en outre capturé un matériel important et en particulier beaucoup de canons, bien qu'avant l'attaque l'ennemi ait replié de nombreuses batteries au nord de sa deuxième position. Nous avons fait environ 14.ooo prisonniers ; nous apprenons par eux que l'ennemi avait sérieusement augmenté ses forces avant le 25 ; de plus, dès le premier jour de la bataille, il avait amené à la hâte en Champagne des renforts prélevés sur les secteurs voisins et même sur des secteurs plus éloignés. Par contre, les reconnaissances aériennes n'ont signalé en arrière des lignes allemandes aucune animation anormale sur les voies ferrées et les routes.

 

     Prévenu des progrès réalisés par les IIe et IVe armées, le général de Castelnau prescrit à différentes reprises dans le courant de l'après-midi et dans la soirée aux généraux Pétain et de Langle de ne pas hésiter à employer les divisions de deuxième ligne pour élargir les brèches et de continuer avec vigueur les attaques le lendemain

   De son côté, à peu près exactement renseigné à 16 heures sur l'étendue du succès remporté en Champagne, le général Joffre estime que les résultats obtenus semblent se prêter à une exploitation, et il met à la disposition du général de Castelnau d'abord la 157e division, stationnée dans la région de Creil, puis la 16e division coloniale, cantonnée dans la région de Void. La première, on l'a vu, est attribuée au général de Langle, la seconde au général Pétain. Au contraire, comme on le dira au chapitre suivant, les résultats obtenus en Artois paraissent au commandant en chef assez peu importants pour qu'il envisage un prélèvement sur les unités de la Xe armée. Enfin, la consommation des munitions étant déjà considérable, il prescrit au général Dubail de faire charger sur wagons, pour être éventuellement envoyées au général de Castelnau, les munitions de 75 que possèdent les armées sous ses ordres, en excédent du taux de 500 coups par pièce.