Version 5.0

http://vestiges.1914.1918.free.fr/index_fichiers/image002.gif

VESTIGES 1914 1918

http://vestiges.1914.1918.free.fr/index_fichiers/image004.gif

 

 

 

 

Extrait de l’historique du 346 RI

 

 

 

BOIS-LE-PRETRE

(Octobre 1914 – juillet 1915)

 

 

Jusqu’au 31 octobre, organisation d'un front défensif dans la région Flirey, Limey, Ravin de l'Ache. Occupation de la première ligne, travaux, séjours au cantonnement se succèdent, sans grande activité de combat.

 

Le 3 octobre, le commandant. Gillot est nommé lieutenant-colonel et conserve le commandement du régiment.

 

Le 21, le régiment reçoit du dépot un renfort qui complète l'effectif de ses compagnies. Voilà déjà trois mois que la guerre dure, qu'on vit d'une vie insensée, faite de fatigues, de souffrances et d'émotions, dans la fumée, la poussière et la boue. On entoure curieusement, on interroge ces nouveaux venus; ils viennent à peine de quitter une vie pleine de douceurs, dont on est si loin qu’on a presque oubliée, qu'on voudrait tant retrouver bientôt! Mais est-ce possible ?

 

Le 31 octobre, tandis que le 5e bataillon reste au bois Montjoie et aux tranchées de Lironville, le bataillon Dervillée se porte vers la lisière sud-est du Bois-le-Prêtre pour soutenir l'attaque du bataillon Duchaussoy, du 167e, sur le débouché est de la tranchée du Père Hilarion. Le bataillon est tout de suite engagé et immédiatement arrêté devant une ligne de tranchées fortement organisée vers la bifurcation des tranchées forestières de Fey et de Montauville.

 

C’est une nouvelle guerre qui commence, dans un bois touffu où les tireurs ennemis nous guettent, postés dans des tranchées masquées par des buissons, postés derrière les arbres ou même sur les arbres.

 

Attaque du Père Hilarion

 

Les jours suivants, le 6e bataillon améliore ses positions, avance légèrement ses tranchées, repousse une attaque ennemie.

Le 2 décembre, les 17e et 18e compagnies et la 5e section de mitrailleuses se portent à Montauville, en vue d'attaquer, avec deux compagnies du 369e, sous les ordres du lieutenant-colonel commandant le 353e, les tranchées allemandes formant saillant en avant de la maison forestière du Père Hilarion. Deux jours après, ces deux compagnies occupent l'ouvrage G, à droite du 6e bataillon. Le 6, la 19e arrive également à Montauville pour être en réserve de l'attaque.

 

Le peu d'activité de l'ennemi favorise la préparation de l'attaque; pas un coup de fusil, pas un coup de canon. L'artillerie est mise en place sans être inquiétée; des canons sont en batterie jusque sur la première ligne.

 

L'attaque se déclenche le 7. Après une préparation d'artillerie qui dure deux heures et bouleverse complètement les tranchées ennemies, le capitaine Rozier, avec les 17e et 18e compagnies, progresse à cheval sur la route de Pont-à-Mousson, se fraye un passage au travers d'abatis et de réseaux de fil de fer et, sans avoir tiré un coup de fusil, arrive à hauteur de la barricade de la route et occupe cette barricade.

 

L'ennemi n'a pu résister dans ses premières tranchées à cause de la violence de la préparation d'artillerie, mais ses réserves sont prètes à participer à la défense. A peine la 17e est-elle sur la position allemande depuis deux heures qu'une contre-attaque se déclenche, menée par un effectif de six à huit compagnies qui sont immédiatement arrêtées et rejetées après un court combat.

 

Le lendemain 8, c'est à l'ouest de la route que 1e 5e bataillon attaque, bien que l'ennemi ait tenté lui-même, quelques instants auparavant, de sortir de ses tranchées. La progression est sensible. Elle continue le 9 jusqu'au boyau A1,B1 tandis que le 6e bataillon, à gauche, se porte à hauteur du 5e. Le 10, le 6e bataillon, malgré un violent bombardement, occupe la crête dominant la route de la Croix-des-Carmes, tandis que le 5e bataillon enlève d'assaut la crête au nord de la fontaine du père Hilarion. Le 12, le 6e bataillon atteint la tranchée de Vilcey.

 

Ces combats nous ont coûté 31 tués, 110 blessés dont 3 officiers, 5 disparus. Mais voilà les positions ennemies de la forêt fortement entamées; l'avance réalisée facilite les communications avec les cantonnements de l'arrière ; la maison forestière du Père Hilarion et la source où les Allemands venaient se ravitailler en eau sont maintenantl à nous; c'est nous qui installerons nos cuisines à proximité de la source. Enfin et surtout, l'ennemi a été dominé, bousculé et refoulé; nous prenons conscience de notre supériorité; n'est-ce pas là le meilleur facteur pour exalter notre moral ?

 

La prise de la ligne VIII et des blockhaus du Quart en Réserve

 

Le 5e bataillon a été rassemblé au réduit de Limey, le 6e occupe toujours le-secteur de la tranchée de Vilcey où le combat continue de tranchée à tranchée. C'est ainsi que nous passons la Noël, évoquant la douceur de cette fête de famille des années précédentes, cette fête pour laquelle tant d'entre nous espéraient être rentrés chez eux.

 

Le 25 ,janvier, à Gézoncourt, au cours d'une prise d'armes où le lieutenant-colonel passa en revue le 5e bataillon, un certain nombre de Croix de guerre sont distribuées, et la Croix de la Légion d'Honneur est remise au capitaine Rozier, qui s'est distingué à l'attaque du Père Hilarion et a été cité à l'ordre de l'armée.

 

Les 12 et 13 février, le 5e bataillon relève un bataillon du 167e dans le secteur du Quart-en-Réserve. Voilà donc le régiment tout entier dans ce Bois-le Prêtre qui aura si souvent l'honneur des communiqués, dont chaque partie sera disputée pied à pied, où, pendant plus d'un an et demi, les pertes seront journalières, les actions offensives et défensives presque constantes.

 

Au Quart-en-Réserve, le secteur est particulièrement agité : bombardements par l'artillerie et par les minenwerfer, actions de patrouilles, guerre de mines. Le 5e bataillon y participe aux actions des 167e et du 168e, avec seulement de courtes détentes aux cantonnements de Bézainville et de Blénod-lès-Pont-à-Mousson. Or, l'hiver est très humide; le mauvais temps presque constant transforme en cloaques ces tranchées sans abris, que l'on ne sait pas encore aménager pour l'écoulement des eaux et pour la protection des défenseurs. Qui eût pu croire que des hommes non préparés à cette existence pourraient vivre pendant des mois dans de telles conditions ?

 

Le 31 mars, le 5e bataillon, dont le commandant Rozier, récemment promu chef de bataillon, a pris le commandement, remonte au Quart-en-Réserve pour participer avec le 167e à l'attaque de la ligne VIII et des blockhaus allemands C1, C2, C3.

 

La 19e compagnie, malgré un feu d'artillerie qui la décime, reprend toute la partie de la tranchée sud hors bois perdue la veille par le 167e. Le bombardement ennemi est effroyable et nos pertes sont énormes; le capitaine Edel, qui commande la compagnie, est tué.

 

Les 18e et 20e compagnies attaquent également dans l'après-midi, franchissent la ligne VIII et se portent sur la ligne des blockhaus. La 18e compagnie prend pied dans le C3 et s'y installe. La 20e compagnie est arrêtée par une violente fusillade ennemie qui la prend de flanc ; le capitaine Lautrey qui la commande refuse de se coucher à vingt pas des Allemands parce que sa compagnie n'a pu s'emparer de l'objectif assigné; il tombe mortellement frappé. Rendons hommage à cette belle figure du capitaine Lautrey, officier démissionnaire, d'un caractère élevé et de la plus haute valeur morale, qui libéré par son age de toute obligation militaire, a repris du service pour la durée de la guerre, à ce savant dont un ouvrage sur la période latine, a été couronné par l'Académie française. La 20e compagnie, privée de tous ses officiers, s’accroche à la ligne VIII.

 

Le 1er avril, l’attaque reprend à midi. La 20e compagnie atteint la ligne des blockhaus allemands, mais, presque entièrement détruite par l’artillerie ennemie, les survivants ne peuvent s'y maintenir. Les 17e et 19e compagnie ne peuvent progresser que de quelques mètres. Enfin, dans la soirée, les 18e et 20e compagnies repoussent succesivement trois contre-attaques ennemies, fortes chacune d’un bataillon, en leur infligeant de lourdes pertes.

 

Le bataillon est épuisé; il a perdu 76 tués dont 3 officiers, 155 blessés dont 3 officiers, 31 disparus. Il est relevé le 2 avril ayant, au prix de ces pertes douloureuses, fait preuve d'un bel héroïsme dont témoigment tant de citations élogieuses :

La 18e compagnie est citée à l'ordre de l’armée :

 

« Le 31 mars, s’est portée vigoureusement à l'attaque d'un grand blockhaus solidement construit et s’en est emparée ainsi que de plusieurs tranchées avoisinantes. Malgré les contre-attaques répétées de l'ennemi et en dépit des lourdes pertes subies, a conservé les ouvrages conquis. A déjà fait preuve de mordant et de ténacité les 22 et 23 septembre et les 7, 8, 9 et 10 décembre 1914 dans différents. »

 

Citons, entre tant d'autres, le sous-lieutenant Perin, qui est tué à la têtede la compagnie au moment où celle-ci s'empare d'une tranchée ennemie.

 

Citons encore le soldat Guyard qui, s'étant aperçu que, pendant la nuit plusieurs Allemands sont venus occuper des trous d'obus en avant des tranchées que tient sa compagnie, se porte seul au devant d'eux, en tue un et ramène les sept autres prisonniers, dont deux blessés sur son dos.

 

Prise de la Croix des Carmes

 

Pendant près de deux mois, le régiment va occuper les secteurs de Vilcey et du Mouchoir, organisant et améliorant les positions, harcelant l'ennemi, subissant lui-même de fréquents bombardements, période coupée seulement de très courts repos, soit par bataillon, soit par compagnie, à Blénod, Maisonville, Montauville, Maidières.

 

Le 7 avril, les 22e et 23e compagnies sont envoyées dans la partie ouest du Quart-en-Réserve pour y creuser des tranchées devant servir de base de départ à une attaque; mais les Allemands découvrent les travailleurs à la lueur de fusées éclairantes et les harcèlent d'obus. Le capitaine Brandelet, commandant la 22e compagnie, reçoit de graves blessures dont il meurt deux jours après.

 

La 20e compagnie est en réserve d'un bataillon du 167e au Quart-en-Réserve. Le 1er mai, le 167e attaque la tranchée L6, parvient jusqu'à un entonnoir placé devant cette tranchée et y appelle en renfort le premier peloton de la 20e compagnie. Une fraction, commandée par le lieutenant Lacroix, s'élance directement sur la tranchée L6, mais ne peut y pénétrer. Une autre fraction, sous les ordres du sous-lieutenant Gazin, traverse l'entonnoir, pénètre dans L6 et y progresse. Le lieutenant Lacroix est tué, le sous-lieutenant Gazin blesse; le pelolon perd, en outre, 7 tués et 16 blessés.

 

Le 8 juin, le 5e bataillon prend part à l'attaque de la Croix-des-Carmes, sous de commandement du commandant Rozier, qui dispose en outre, du 3e bataillon du 167e. Après une préparation d'artillerie qui dure une heure et demie, et à laquelle l'ennemi répond par un bombardement intense qui détruit presque complétement notre première ligne et certains éléments de nos deuxième et troisième lignes, les compagnies se lancent à l'assaut. A la droite de l'attaque, tout va bien, les tranchées allemandes sont entièrement bouleversées, en certains endroits on ne les retrouve même plus. A la gauche, la 19e compagnie, que commande le lieutenant Vuillermet, a trouvé des Allemands dans l'ancien boyau conduisant de la ligne de départ à l'objectif d'attaque; mais, débordés par la section de gauche et attaqués vigoureusement par les trois autres sections, les Allemands ne peuvent résister et sont tués ou faits prisonniers. Finalement, les compagnies d'assaut sont définitivement maîtresses de leur objectif et commencent à réorganiser toutes les tranchées dont le bouleversement est complet.

 

Le lendemain 9, le 5e bataillon occupe seul la première ligne de la position conquise; il est soumis à un tir violent de l'artillerie allemande, qui cause des pertes et retourne constamment les tranchées, que l'on travaille à remettre en état.

 

Dans ces deux journées des 8 et 9 juin, le 5e bataillon a perdu 39 tués, 81 blessés, 2 disparus. D'ailleurs, pendant quatorze jours encore le bombardement de nos positions continue sans trève, occasionnant chaque jour des pertes encore sévères.

 

Le 27 ,juin, le lieutenant-colonel Gillot est évacué pour maladie. Le 5 juillet, le lieutenant-colonel Le Roy, venu: du 168e, prend le commandement du régiment.

 

Attaque ennemie du 8 Juillet

 

Le 8 juillet, le 5e bataillon est au secteur de la Croix-des-Carmes, le 6e bataillon dans le secteur Mouchoir Père Hilarion. Après un violent bombardement qui détruit nos tranchées, l'ennemi lance une attaque puissante contre le 6e bataillon du 353e placé entre les deux bataillons du 346e.

 

La 20e compagnie doit se replier sur le reste du bataillon; la 19e compagnie, jusqu'alors tenue en réserve, est employée à faire barrage pour arrêter l'offensive ennemie. De même, la 22e compagnie réussit à endiguer l'avance ennemie.

 

Dans la soirée, les 18e et 19e compagnies prennent l'offensive et réussissent à reprendre pied dans quelques éléments de tranchée où l'ennemi avait progressé. Le lendemain, aidées par notre artillerie, elles avancent encore légèrement.

 

Cette affaire, où le régiment a tenu ferme malgré la violence de l'attaque, nous a coûté 18 tués, 110 blessés, 64 disparus.

Le lieutenant-colonel Le Roy, passé, au 168e le 5 août, est remplacé le 19 août au commandement du régiment par 1e lieutenant-colonel Duriez.

 

Après avoir repoussé encore deux attaques allemandes, les 10 et 11 août, le régiment est relevé au Bois-le-Prétre le 31 août, pour jouir enfin d'un repos bien gagné dans les cantonnements d'Aingeray et de Fontenoy-sur-Moselle. Comme il fait bon jouir de cette douceur, à laquelle on n'a pas goûté depuis bientôt un an, de se trouver cantonné tranquillement dans des villages qui vivent d'une vie presque normale, où l'on ne risque pas de recevoir des obus, où le bruit de la canonnade ne parvient même pas.

 

Et puis les permissions viennent d'être instituées, Est-ce assez inattendu de jouir d'une permission en pleine guerre ? Revoir les siens après plus d'un an d'absence ! Se retremper pendant quelques jours dans la douce vie familiale !

 

C'est pleins d'entrain que, le 19 septembre, nous nous mettons en marche pour réoccuper ce Bois-Le-Prêtre où nous avons tant souffert, où nous avons perdu tant des nôtres mais que, nous connaissons si bien, qui est un peu à nous.

 

Et alors commence une longue période pendant laquelle les 5e et 6e bataillons, alternant avec les bataillons correspondants du 353e, tantôt occupent les secteurs du Mouchoir et du Carrefour, tantôt cantonnent à Jézainville et Dieulouard. Durs séjours aux tranchées avec des actions de patrouilles, avec des travaux fatigants sous des bombardements d'une terrible violence où nos pertes sont fréquentes et lourdes, mais où l'ennemi a rarement la supériorité. En revanche, agréables séjours dans ces cantonnements peu bombardés, toujours les mêmes, où l'on se sent un peu chez soi, où l'on connaît tous les habitants, où chacun retrouve ses hôtes, ses petites habitudes, sa cuisine, sa popote, son coin de grange ou, de grenier qu'il y a aménagé au dernier repos.

 

Cette fois, nous fêtons joyeusement la Noël et 1916, cette nouvelle année qui, chacun y compte bien, nous apportera la victoire et nous rendra à nos foyers.

 

Le 7 juin 1916, le 353e est supprimé, son 5e bataillon (bataillon de Roquetaillade) devient 4e bataillon du 346e. Le régiment est grossi d'un bataillon qui ne lui est pas inconnu, puisque les deux régiments viennent de combattre côte à côte pendant dix-huit mois, unis par des liens de sympathie et de solidarité militaire. Aussi, est-ce très cordialement que le bataillon de Roquetaillade est reçu au sein du 346e.

 

Le 25 juin est formé le dépôt divisionnaire avec les quatrièmes compagnies de chaque bataillon (16e, 20e et 24e). Chacune de ces compagnies est remplacée dans son bataillon par une compagnie de mitrailleuses.