1916

Nous restons
dans la foret d’Argonne, entre le Four de Paris,
et La Chalade, légèrement au nord de ces deux
villages.
En raison du
terrain très accidenté et qui permet des retranchements redoutables des
deux cotés des lignes, on n’essaie pas, de part
et d’autre, des actions offensives de grande envergure. C’est par contre
l’écrasement du terrain sous des déluges d’obus de tranchée de très gros
calibres. On y reçoit couramment des « minen »
de 1m.10 de hauteur. Nous rendons coup pour coup. Les lignes sont très
rapprochées, et certains petits postes sont creusés en sape à 7 ou 8 mètres
de ceux des Allemands. La lutte de grenades, pétards, y est très vive. Des
mines sautent presque chaque matin, dès le petit jour, créant des
entonnoirs que Français et Allemands se disputent avec acharnement.
Le secteur
occupé se nomme le « Fer-à-Cheval » et comprend lui-même les
dénominations de l’ »Arbre »n du « Cap »n du
« Golfe », noms que n’oublieront pas ceux qui ont vécu dans les
sapes remplies d’eau en ces endroits désolés.
On travaille
ferme en ligne chaque nuit. A la suite des séances journalières des
torpilles, la terre, désagrégée, n’est plus qu’une poussière.,
et chaque explosion fait ébouler les parois entières de tranchée. Il faut
les relever et consolider le travail avec des fascines et du grillage. Par
les deux grands boyaux des « Coloniaux et des « Ecuyers »,
qui vont jusqu’au « Confluent », ainsi que par certaines pistes sous bois, inconnues des Allemands, les voiturettes de
mitrailleuses apporte tout le matériel de réfection jusqu’à la route
« Marchand » et au « Ravin-sec », en passant par le
« Tunnel ».
Les compagnies
font six jours de première ligne, six jour de réserve à l’ouvrage 15 ou au
Confluent, six jours de repos à La Chevrerie ou
au Claon, puis une nouvelle période de six jour
de première ligne, six jours de réserve et enfin six jours de repos aux Islettes ou à Futeau, soit,
très souvent, trente jours sans apercevoir une maison ni un habitant civil.
Le 13 janvier,
se produit une affaire de petits postes dans le secteur du
« Cap », affaire assez sérieuse. Profitant d’une relève, les
Allemands attaquent brusquement le poste et s’en emparent. La 10ème
compagnie réussit à le reprendre ; cette affaire nous coûte 65 blessés
et 4 tués.
Le 14 avril,
sans raison apparente, l’ennemi nous envoie une pluie de « minen » qui dure quatorze heures. Toutes les
tranchées sont bouleversées, le ravin des Courte-Chausses est empli de
fumée pendant deux jours.
Entre temps,
en février, s’était déclenchée la fameuse offensive boche sur Verdun. Nuit
et jour, pendant des semaines, nous entendons le grondement des canons de
la bataille gigantesque ; elle ne s’étend pas jusqu’au secteur du
régiment, mais son extrême limite ouest (Avocourt)
n’est qu’à une dizaine de kilomètre de nous. L’ennemi, devant nos lignes,
devient plus nerveux ; les bombardements s’en ressentent.
Le 8 mai doit
être effectué un redressement de ligne. Cette opération comporte l’éclatement
de deux mines, le nettoyage des abris et des tranchées par liquides
enflammés.
Les pionniers
du régiment, les sapeurs du génie, la 10eme compagnie, renforcée d’un
peloton de la 8ème compagnie, doivent procéder à l’opération.
Elle est commandée par le sous-lieutenant DESSERIN qui s’est offert
volontairement.
A 18 heures
les mines sautent, l’artillerie bombarde pendant trois minutes, les
lance-flammes se mettent en action, la troupe s ‘élance, la position
est prise.
Immédiatement,
des travailleurs du génie et les pionniers travaillent à réfectionner les
tranchées ennemies écroulées.
A 2 heures du
matin, l’ennemi contre-attaque violemment et reprend une partie du terrain
qu’il avait perdu.
A 4 heures,
l’ennemi contre-attaque à nouveau et nous bouscule.
L’affaire est
manquée malgré des pertes assez élevées.
Le 20 mai le
lieutenant-colonel VIALA est évacué malade et est remplacé quelques jours
plus tard par le lieutenant-colonel SUBSOL.
Les derniers
jours de juillet sont marqués par un évènement important : on parle de
quitter l’Argonne. Nous serions relevés pour aller attaquer on ne sait où
encore : à Verdun…, dans la Somme ..., en Belgique…, dit-on
aussi.
Pourtant, au
matin du 30 juillet, des officiers du 407ème R.I. arrivent en
reconnaissance et, dans la nuit du 31 juillet au 1er août, les
derniers éléments du régiment quittent ce secteur dont nous connaissons si
bien les bons et les mauvais coins.
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