L'action la
plus importante entreprise par le groupe d'armées de l'Est (au cours de la
période étudiée dans ce chapitre) est l'offensive de la VIIe
armée contre Munster, envisagée par le haut commandement depuis le
printemps de 1915 et dont les opéra-tions contre Metzeral ne devaient constituer que le prologue.
Dès le 21 juin,
estimant imminente la prise de Metzeral et de Sondernach, le général Dubail écrit au commandant en
chef que l'enlèvement de ces deux localités constitue seulement le «
premier acte d'une action qu'il faut pousser en direction de Munster ». En
même temps, il avise le général de Maud'huy,
commandant la VIIe armée, qu'il est disposé à lui envoyer les
renforts que celui-ci a demandés; il lui prescrit de « pousser sans arrêt »
jusqu'à la limite de ses forces offensives et d'entamer le plus tôt
possible les opérations contre Mühlbach, puis
contre le Linge. « Il faut percer
et exploiter. » Metzeral ayant été occupé par nos
troupes le 21 juin et Sonder-nach le 22, le
général Dubail insiste encore sur la nécessité de ne pas laisser l'ennemi
se ressaisir; il faut achever le nettoyage de la région Hilsenfirst,
Sondernach, et pousser en même temps sur Mühlbach, mais sous la condition expresse que cette
action puisse être l'exploitation immédiate du succès actuel et ne
nécessite pas une préparation de plusieurs jours. « L'opération essentielle
reste le Linge et la prise de Munster, par rabattement venant du nord. » Il
vaut mieux renoncer à l'attaque de Mühlbach si
elle doit entraîner la dispersion des efforts. Le 22 juin également, le
commandant en chef approuve le projet du général Dubail, exposé dans la
lettre du 21 juin, d'exploiter et d'étendre le succès de la VIIe
armée, en vue d'atteindre Munster
Le général de Maud'huy donne le 23 juin des instructions en
conséquence : « L'offensive générale de la VIIe armée a pour but
de nous emparer de Munster et de nous donner la possession de toute la
vallée de la Fecht en àmont
de cette localité ainsi que des débouchés au delà.
» La 129e division fera l'attaque principale d'abord sur la
crête Linge, Barrenkopf, c'est-à-dire vers l'est,
puis sur l’Hornlesskopf et le Fraue-nackerkopf,
c'est-à-dire vers le sud. La 47e division exécutera une attaque
secondaire sur le front Eichwald, Reichackerkopf, à cheval sur la Fecht
de Stosswihr. La 66e division a dès
maintenant pour mission générale de s'emparer de la croupe Hilsenfirst, Landersbach : il
y a intérêt à ce que cette action offensive soit entreprise avant l'attaque
de Munster. Ces instructions sont complétées le 25 par un projet
d'opérations soumis par le général de Maud'huy à
l'approbation du commandant du groupe d'armées et indiquant en détail les
troupes qui doivent participer à l'attaque principale.
Le 24 juin, le
général Dubail a déjà écrit au commandant en chef que, depuis la prise de Metzeral et de Sondernach, la
première phase de la manœuvre contre Munster semble terminée, et qu'en
conséquence il a prescrit au général de Maud'huy
« de con-centrer toute son activité sur l'attaque
des positions du Linge. Là est la deuxième phase de la manœuvre qui doit
nous rendre maîtres de Munster par rabattement du nord au sud ». Il pense
que l'opération pourra commencer le 1er juillet environ; il
compte mettre à la disposition du général de Maud'huy
la 129e division et un supplément d'artillerie lourde.
Le 25 juin, le
général Joffre approuve de nouveau le plan du général Dubail, mais il
insiste sur deux points : tout d'abord, sur la rapidité qui ne peut être
obtenue que par le renforcement des effectifs; — le commandant du groupe
d'armées de l'Est n'a mis jusqu'à présent à la disposition du général de Maud'huy qu'une brigade de la 129e division
d'infanterie; c'est la division tout entière qu'il faut engager dans l'of-fensive; — puis sur la largeur d'exécution. Il veut
une attaque « vraiment d'armée » telle que celle qui a procuré le succès de
Metzeral. Il faut donc « continuer dans cette
voie et accentuer l'opération d'armée » avec 3 divisions : une division par
les crêtes au nord de la Fecht, c'est-à-dire par
le Linge; une division par la vallée, une division par les crêtes au sud,
c'est-à-dire par le Kahlenwassen.
Le lendemain
26, le général Dubail convoque à Gérardmer le général de Maud'huy et lui transmet les directives du commandant
en chef, notamment en ce qui concerne l'ampleur plus grande prévue pour
l'action de la 66e division. Le général de Maud'huy
reconnaît que la conception est séduisante, mais fait observer que
l'exécution exigera des renforts, surtout en artillerie. Le général Dubail
rend alors compte au commandant en chef que l'extension prescrite pour
l'offensive contre Munster nécessite des moyens supplémentaires en canons
et l'envoi d'une division de cavalerie « pour avoir, au nord de Saint-Dié,
le con-cours de son artillerie, de ses cyclistes
et de son groupe léger », et étayer ainsi le secteur défensif de la 41e
division. Le général Joffre répond aussitôt qu'il autorise le commandant du
groupe d'armées de l'Est à prélever sur les places sous ses ordres le
personnel et le matériel nécessaires et que la 6e division de cavalerie va
lui être envoyée.
Le 27 juin, le
général de Maud'huy reprend les objections qu'il
a faites de vive voix, la veille, au général Dubail. Ce n'est pas seulement
en artillerie que des renforts seront nécessaires. Pour l'attaque de
Munster par le Kahlenwassen, la 66e
division d'infanterie, éprouvée par les dernières opérations, devrait être
renforcée. Le général Dubail écrit dans ce sens au commandant en chef; mais
estimant que le général Joffre ne consentira sans doute pas à affecter de nou-velles unités à la VIIe armée, il
prévient le 28 au matin le général de Maud'huy
qu'il ne devra pas compter sur des moyens supplémentaires4. En effet, le
même jour, le commandant en chef décide que la VIIe armée doit
agir avec ses seules forces, 129e division d'infanterie
comprise. Dans ces conditions, la 66e division d'infanterie ne cherchera pas à
enlever le Kahlenwassen, s'il est trop fortement tenu,
mais se bornera à en prendre le contact. Le général Dubail n'est avisé de
cette décision que le 29, mais on vient de voir qu'il l'avait prévue et que
dès la veille il avait orienté le général de Maud'huy
dans ce sens; il peut donc rendre compte aussitôt au commandant en chef que
l'opération contre le Kahlenwassen est aban-donnée. Quant à l'attaque du Linge, elle ne se
fera pas avant le 8 juillet.
Le 3o juin, le
général Joffre affecte à la VIIe armée une deuxième division de cavalerie
qui étaye l'aile droite du général de Maud'huy
dans la région de Belfort et dont l'artillerie sera utilisée pour les
opérations contre Munster. Ce renfort est de trop peu d'importance pour
permettre d'envisager de nouveau une offensive sérieuse de la 66e
division : ce ne sont donc déjà plus trois divisions, mais deux, comme à Metzeral, qui doivent être engagées à fond.
Enfin, le 2
juillet, le commandant en chef informe le général Dubail qu'il ne peut
allouer à la VIIe armée que 4.000 coups de 220 au lieu des
10.000 qu'elle a demandés; pour compenser cette réduction, il envoie au
général de Maud'huy un groupe sup-plémentaire
de 155 C. T. R. approvisionné à 4.000 coups. Au cas où le général Dubail
estimerait que la dotation en coups de 220 n'est pas nettement suffisante,
l'opération contre Munster ne pourrait qu'être décommandée.
Le 30 juin et
le 1er juillet, en exécution des nouvelles directives qu'il
vient de recevoir, le général de Maud'huy précise
les instructions qu'il a données le 23. Le but de l'offensive est « de
s'emparer de Munster en agissant au nord du Grossthal
Fecht » par une action directe de la 47e
division (général de Pouydraguin) sur le front
Eich-wald, Reichackerkopf
et par une action convergente de la 129e division (général
Nollet). Dans une première phase, la
129e division, couverte à droite par la 47e,
s'emparera du massif Barrenkopf, Linge, et
poussera jusqu'au Kuhberg, pour interdire à
l'ennemi de gêner par ses feux nos mouvements de troupes à l'est du Barrenkopf et nous permettre d'amener de l'artillerie
sur ce sommet. Dans une deuxième phase, les 129e et 47e divisions, opérant de concert, enlèveront
l'Eichwald. La 129e division,
débouchant du Kleinkopf, prendra comme objectif
Am Wald en se couvrant au besoin par une attaque secondaire sur le Petit Hornlesskopf, tandis que la 47e division, faisant effort par sa gauche et
attaquant face au sud-est, prendra comme objectif la lisière sud de l'Eichwald. Plus au sud et en retrait par rapport à l'action
sur l'Eichwald, la 47e division
poursuivra l'investissement de Stosswihr et
s'emparera du Reichacker-kopf. Dans les
opérations ultérieures, la 129e division, élargissant son
mouvement vers l'est, s'efforcera de déborder le Frauenackerkopf
et prendra comme objectifs Günsbach et Griesbach, en aval de Munster. La 47e division s'emparera de Hohroth ainsi que des hauteurs à l'est et de Stosswihr, puis de Munster. La 66e division
(général Serret) organisera le front Metzeral; Langenfeldkopf, de manière à l'occuper avec le minimum
de forces, et tiendra l'ennemi sous la menace constante d'une attaque.
La 129e
division, renforcée d'une brigade de la 47e, disposera de 15
bataillons, de 94 pièces d'artillerie, dont 38 lourdes, et de 16 canons de
58. La 47e division, dimi-nuée d'une
brigade, disposera de 12 bataillons, de 70 pièces d'artillerie, dont 30
lourdes, et de 16 canons de 58. La 66e division mettra 26 pièces
d'artillerie, dont 20 lourdes, à la disposition du commandant de
l'artillerie de l'armée; de plus, les 14 pièces d'artillerie, dont 10
lourdes, installées au centre de résistance du Bonhomme, participeront à
l'action. Au total, l'artillerie affectée aux attaques comprendra donc 106
pièces de campagne, 98 pièces d'artillerie lourde et 32 canons de 58.
Enfin, 9
bataillons seront en réserve d'armée.
Les phases
successives prévues dans les opérations « ne correspondent pas
obligatoirement à des journées différentes. Les combats, basés sur
l'exploitation des succès obtenus, devront être menés avec le maximum de
continuité possible ».
Le 5 juillet,
le général de Maud'huy modifie les instructions
données à la 47e division. Afin que l'attaque sur l'Eichwald ne soit pas exposée aux feux de flanc partant
du Reichackerkopf, l'action à mener contre
celui-ci devra précéder l'enlèvement de l'Eichwald
et débuter en même temps que l'attaque de la 129e division sur le Linge. Puis viendra
l'attaque de l'Eichwald, liée à la progression de
la droite de la 129e divi-sion. Pour
la suite de l'offensive contre Munster, les Instructions du 30 juin sont main-tenues.
En ce qui
concerne l'opération préliminaire que la 47e division devait entre-prendre contre Mülhhach,
le général Dubail décide au début de juillet qu'elle se réduira à une
action de très faible envergure; plusieurs fois remise, elle finit par être
ajournée sine die.
Le 1er
juillet, les Allemands enlèvent à la 66e division le sommet de
l'Hilsenfirst, que celle-ci reprend le lendemain.
Pour consolider son front entre Metzeral et le Langenfeldkopf, le général Serret décide alors, avec
l'approbation du commandant de l'armée, d'enlever la croupe entre Sondernach et Landersbach.
L'attaque est lancée le 11 juillet, mais la 66e division ne
réalise aucun progrès. Le 12, elle ne peut que repousser une contre-attaque
allemande. Son action en reste là pour le moment.
L'offensive des
47e et 129e divisions avait été fixée d'abord aux
environs du 8, puis du 12 juillet. Le 6 juillet, il parait nécessaire d'en
reculer encore la date. La nouvelle conception de l'attaque de la 47e
division nécessite des travaux supplémen-taires.
D'autre part, la 129e division étant arrivée depuis peu dans le
secteur, son chef a dû reconnaître le terrain et il a jugé indispensable de
porter plus en avant un certain nombre de batteries. Le général de Maud'huy propose en conséquence que l'offensive ait
lieu le 16 juillet; le général Dubail rend compte au commandant en chef
qu'elle commencera entre le 16 et le 18.
Le 13 juillet,
après une conférence avec les commandants des 129e et 47e divi-sions, le
général de Maud'huy arrête ses dernières
dispositions. L'action sera entamée le 18; la réserve d'armée est réduite
de 9 à 7 bataillons. De leur côté, les généraux Nollet et de Pouydraguin donnent leurs ordres les 14 et 15 juillet :
à la 129e division, l'action sera menée par la 3e
brigade de chasseurs et se fera en trois colonnes : celle de gauche sur le
Linge, celle de droite sur le Barrenkopf, celle
du centre sur le Schratz-mânnele. L'attaque du
centre sera lancée après celles des ailes, qui se déclencheront à 9 heures.
A la 47e division, l'action contre le Reichackerkopf
sera confiée à la 4e brigade de chasseurs.
Pour que le
commandant de la VIIe armée puisse engager toutes ses disponibi-lités sans arrière-pensée, le général Dubail
donne l'ordre le 16 juillet au détachement d'armée de Lorraine d'établir à Thiaville ( 3 kilomètres ouest
de Raon-l'Etape) un régiment en réserve, prêt à étayer en cas de besoin la
gauche de la VIIe armée. Dans le même ordre d'idées, il obtient
du général Joffre que la 53e division, qui compte à la réserve
du commandant en chef et dont une partie de l'artillerie a déjà été mise à
la disposition du général de Maud'huy, envoie une
de ses brigades dans la région de Corcieux en réserve de groupe d'armées.
En raison du
mauvais temps, l'attaque, qui devait avoir lieu le 18, est remise d'abord
au 19, puis au 20 juillet.
A cette date,
les forces allemandes opposées à la VIIe armée sont constituées
par des éléments du détachement d'armée von Gaede, entre autres par la 6e division de
landwehr bavaroise, du Bonhomme à Stosswihr, et
par la 8e division de
réserve bavaroise, de Stosswihr à la Lauch. La 19e division de réserve, qui vient
d'être relevée du front, est en réserve dans la région de Colmar. En face
des 129e et 47e divisions, le massif du Linge, Barrenkopf est tenu par la 1re brigade de
landwehr bavaroise; l'Eich-wald et le Reichackerkopf sont occupés par la 16e brigade de
réserve bavaroise, à cheval sur la Fecht de Stosswihr. En exécution des ordres donnés, les 47e
et 129e divisions attaquent en même temps le 20 juillet.
L'action dé la 47e division sur le Reichackerkopf ne dure que trois jours, les 20, 21 et
22 juillet. Le 20, nos troupes. prennent pied, sur le Petit Reichackerkopf et sur le col qui le sépare du sommet
principal. Le soir, elles reperdent la majeure partie du terrain conquis.
Le 21 et le 22, elles ne peuvent que repousser de nombreuses et violentes
contre-attaques ennemies.
Dès le 21 au
soir, le général de Maud'huy estime que le
secteur dans lequel il faut rechercher la décision est constitué par le
massif Linge, Barrenkopf, et il donne l'ordre «
d'appliquer tous les efforts des deux divisions à la réussite rapide des opéra-tions dans la région du Linge, Eichwald ». Les réserves d'armées seront disposées de
façon à pouvoir appuyer ces opérations. La zone d'action de la droite de la
47e div-ision devient ainsi un secteur défensif.
En outre, l'attaque de l'Eichwald, subordonnée à
la conquête du Reichackerkopf et du Linge, ne
sera pas exécutée, et plusieurs unités de la 47e division seront
successivement mises à la disposition du général Nollet. L'opération
d'ensemble se transformé ainsi en une opération toute locale. L'attaque,
qui, d'après la première idée du général en chef, devait avoir lieu sur un
front de 12 kilomètres, sera menée en fin de compte sur un front de 2
kilomètres. Bien plus, l'action de la 129e
division prendra vite le caractère d'une série d'attaques localisées
sur des objectifs étroits et distincts : le Linge et son collet, le Schratzmânnele et ses carrières, le Barrenkopf
et sa clairière. Sur tous ces points, nos bombardements, en déboisant les
pentes, révèlent des organisations ennemies très puissantes.
Le 20 juillet,
la gauche de la 129e division prend pied dans les bois du Linge,
mais elle est arrêtée par les feux flanquants
partant du Schratzmânnele. Sa droite enlève le Barrenkopf, mais l'évacué à la suite d'une
contre-attaque ; son centre reste à peu près inactif.
Le 21 juillet,
nous marquons un temps d'arrêt. Le général de Maud'huy
décide, ainsi qu'il vient d'être dit, de concentrer ses efforts contre le
massif du Linge et de renforcer la 129e division par une partie
de la 47e. L'attaque reprend le lendemain contre les trois
sommets de l'arête à la fois. Nos chasseurs enlèvent brillamment toute la
crête et la dépassent. Mais les contre-attaques d'un ennemi qui s'est
renforcé leur font abandonner, dans la nuit du 22 au 23, une grande partie
du terrain conquis.
La reprise des
attaques est fixée au 26 pour permettre de compléter la prépa-ration.
Le général Dubail espère qu'avec les forces sous ses ordres il pourra
enlever le massif du Linge, mais il estime que, pour le rabattement sur
Munster, il sera nécessaire d'appliquer une division supplémentaire sur le
front lliienkopf, Kahlenwassen
afin de menacer la ville par le sud-ouest. Si cette division ne peut lui
être accordée, le général Dubail s'efforcera d'obtenir l'avance la plus
considérable possible avec les forces dont il dispose. Envisageant la
question sous un aspect plus large, le général en chef fait étudier le 25
juillet la possibilité d'affecter, non pas une, mais deux divisions supplé-mentaires au groupe d'armées de l'Est.
Dans la journée
du 26 et la matinée du 27, la 129e division s'empare de toute la
crête. Le général de Maud'huy estime alors que la
première phase de l'offensive est terminée : en attendant la décision du
général en chef au sujet des renforts demandés, on procédera aux relèves
nécessaires et les positions con-quises seront
consolidées. Mais dans la soirée une contre-attaque nous reprend le Schratzmânnele. Le Barren-kopf,
dès lors trop en l'air, doit être ensuite évacué. Le 28 au matin, la
situation est donc la suivante : nous tenons le point culminant du Linge,
mais les sommets du Schratzmânnele et du Barrenkopf sont occupés par l'ennemi.
Le même jour,
comme suite à l'étude qu'il a fait entreprendre le 25 et en réponse à une
question que Le général Dubail lui a posée le 27, le général en chef décide
que les forces à appliquer sur la Fecht ne seront
pas augmentées. Il approuve l'intention qu'a manifestée le général de Maud'huy de consolider tout d'abord la situation
acquise. Les opérations seront ensuite menées avec les seules forces dont
dispose le général Dubail et conduites de telle sorte qu'il soit possible,
à partir du 20 août, de passer à la défensive et de retirer du front la 129e division ainsi que tout ou partie de
quatre brigades d'infanterie de la VIIe armée. Ces directives
sont confirmées le 31 juillet. Dès lors, nous renonçons à enlever Munster,
et notre seul objectif sera la possession de la crête Linge, Schratzmânnele, Barrenkopf,
que nous allons tenter de conquérir par une lutte pied à pied.
Le 29, une
nouvelle attaque nous permet de nous rapprocher des sommets de Schratzmânnele et du Barrenkopf.
Le lendemain, le général Dubail donne l'ordre de s'organiser sur le terrain
conquis. Mais notre situation reste précaire, car les lignes ennemies sont
à quelques mètres des nôtres et les dominent presque partout; pour
améliorer notre position, il semble nécessaire de nous assurer la
possession indiscu-table des sommets. En
conséquence, le général Dubail décide que nous continuerons le 31 juillet
nos attaques contre le Schratzmânnele et le Barrenkopf
Les 1er,
2 et 3 août s'engage une lutte acharnée, pied à pied, avec des alter-natives d'avances et de reculs. Mais nous
n'arrivons pas à occuper les sommets du Schratz-mânnele
et du Barrenkopf; bien plus, le 4 au soir, une
attaque ennemie nous enlève le point culminant du Linge que nous tenions
depuis le 27. Le général Nollet rend compte que ses troupes sont soumises à
un bombardement d'une violence inouïe, qu'elles ont subi de fortes pertes
et que la situation est grave. Le général de Maud'huy
ordonne de tenir coûte que coûte et promet des renforts.
Le 6 août, le
général en chef précise qu'il importe de reprendre les sommets et qu'il est
nécessaire de riposter aux bombardements. Il remplacera les munitions
consommées : en ce qui concerne celles de 75, on les dépensera sans
compter. Mais tous nos travaux ont été détruits par le bombardement adverse
et un délai est néces-saire avant de reprendre
les attaques.
L'ennemi semble avoir concentré en Alsace de
nouvelles troupes amenées d'Artois. Il lance le 7 et le
8 deux violentes attaques contre nos positions, depuis le Linge jusqu'au Schratzmannele, et subit de lourdes pertes, sans
obtenir aucun résultat. Le général de Maud'huy a
l'intention de faire, avant le 20 août, une dernière tentative pour
s'emparer définitivement des crêtes. Elle sera étudiée au chapitre VII.
…/…
Les opérations
contre le Linge avaient dégénéré en attaques locales coûteuses et le haut
commandement avait hâte de les terminer, mais il reconnaissait la nécessité
de nous installer solidement sur les crêtes avant de passer à la défensive.
Le général Dubail, d'accord avec le commandant de la VIIe armée, propose donc au général Joffre de
demander, dans le plus bref délai, à la 129e division un dernier
effort pour enlever les trois sommets de la crête, ce qui permettrait enfin
l'arrêt des opérations dans une situation stable. Le commandant en chef
estime, lui aussi qu'il faut en finir avec le Linge ; il autorise le
général Dubail à ne rele-ver la 129e
division qu'après le 20 août et à différer de quelques jours l'attaque
projetée, ce qui permettra d'en compléter la préparation. De son côté, le
général Dubail prescrit au général de Maud'huy de
passer à la défensive et d'organiser le front de la VIIe armée
dès que l'opération en cours sera terminée. L'attaque est d'abord envisagée
pour le 16, puis pour le 17. Le général de Maud'huy
est décidé à s'arrêter après cette action, en raison de la fatigue extrême
des troupes.
En même temps,
la 66e division doit exécuter une diversion contre la croupe
entre Sondernach et Landersbach.
Cette opération réussit complètement le 17, tandis que la 129e
division remet son offensive au lendemain, la préparation d'artillerie
ayant été jugée insuffisante. Le 18, nos troupes reprennent le Linge, mais
le soir le bombar-dement nous contraint à en
évacuer le sommet. Le général Dubail ordonne de monter une nouvelle action,
car « les positions actuelles ne sont que des pis-allers
momen-tanés ». En effet, les Allemands restent
maîtres du sommet du Linge ; plus au sud nous tenons la crête jusque tout
près du Schratz-mannele; mais le sommet lui-même,
le col au sud et le Barrenkopf sont occupés par
l'ennemi.
Le 19, le
commandant en chef attire l'attention du général Dubail sur la nécessité de
conduire l'opération avec ensemble « pour obtenir un résultat qui nous
permette de nous arrêter le plus tôt possible dans une situation stable ».
Le commandant du groupe d'armées de l'Est a d'ailleurs déjà orienté dans ce
sens le général de Maud'huy. Le 20 août, celui-ci
donne ses instructions : la 129e
division attaquera le sommet du Schratzmânnele,
le Barrenkopf et la clairière qui les sépare. Les
actions seront simul-tanées. « L'effort à
entreprendre est le dernier acte offensif de la période qui a été ouverte
le 20 juillet. » La date de l'attaque sera fixée par le général Nollet, comman-dant la 129e division. Celui-ci
décide que l'opération aura lieu le lendemain 21, mais, en raison du
mauvais temps,
elle n'est exécutée que le 22. La 129e
division s'empare du sommet du Schratzmânnele,
borde les carrières au sud et progresse sur le Barrenkopf.
Elle en occupe le sommet le 23, mais le reperd dans la nuit du 23 au 24.
Le général de Maud'huy estime que la conquête du Schratzmânnele
réalise les intentions du haut commandement. Il décide d'arrêter
l'offensive et prescrit d'organiser le front tenu; le général Dubail donne
son approbation et précise que la conquête des sommets du Linge et du Barrenkopf sera faite au moyen d'opérations de détail
dès que les circonstances seront favorables. Le 25, il rend compte au
général en chef « qu'il y a intérêt à clore momentanément la période
offensive au nord de Munster pour alimenter d'autres opérations, tout en se
tenant prêt à reprendre cette offensive au premier signal ». Le 26, le
général Nollet passera le secteur à la 47e division.
Notre objectif,
Munster, n'a donc pas été atteint, et la crête du
Linge n'a même pu être conquise en totalité. Nos pertes ont été lourdes et
se sont élevées, du 20 juillet au 26 août, à 176 officiers et 9. 4 8 5
hommes, dont 18 officiers et 776 hommes dans le secteur du Reichackerkopf; nous n'avons fait que 350 pri-sonniers et enlevé que quelques mitrailleuses. Par
contre, nous avons infligé à l'ennemi des pertes élevées : mille cadavres
environ ont été abandonnés par lui sur le terrain. Enfin nous avons fixé et
usé sur cette partie du front des forces ennemies qui semblent supérieures
aux nôtres. En effet, du 20 juillet à la fin d'août, les Allemands ont
engagé successivement, en face de nos 47e, 66e et 129e divisions, des éléments représentant au
total la valeur de sept brigades et appartenant à la 6e division
bavaroise de landwehr, à la 8e division de réserve bavaroise, à
la 12e division de landwehr, à la 19e division de
réserve, à la 187e et peut-être à la 185e brigade.
Mais nous ne devions pas conserver les positions si péniblement conquises
et qui nous donnaient des vues au delà de la
crête. Le 31 août, une attaque allemande contre la 47e division
nous reprend le collet du Linge. Le 9 septembre, une nouvelle offensive
ennemie nous chasse des carrières et du sommet du Schratzmannele,
nous enlevant nos derniers observatoires. Nous perdons au total 17
officiers et un peu plus de 900 hommes dans ces deux affaires
En résumé, il
ne nous a pas été possible d'arriver à réaliser « une situation stable » et
une organisation défensive avantageuse. Nous restons accrochés sur des
pentes très raides, en contre-bas de l'ennemi, auquel aucun de nos
mouvements en dehors des boyaux ne peut échapper pendant le jour, tandis
que la crête nous masque les siens.
Le 9 septembre
également, les Allemands lancent contre l'Hartmannswillerkopf une attaque
précédée de jets de liquide enflammé, et en occupent la cime. Nos
contre-attaques immédiates, dans la nuit du 9 au 10, nous rendent tout le
terrain perdu. Le 10, deux nouvelles actions, précédées d'un violent
bombardement, ne parviennent à nous enlever qu'un fortin situé sur le
versant nord-est; le sommet lui-même reste entre nos mains. Nos pertes sont
légères et s'élèvent à 200 hommes environ. Les jours suivants, nous
essayons, par des actions à la grenade, de réoccuper le fortin perdu, mais
nous finissons par y renoncer, en raison des sacrifices assez sérieux que
nous coûtent ces tentatives.
«
L'Hartmannswillerkopf et le Linge restent les deux points de friction du
front de la Vlle armée. »
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